Ma vie en l'air...

La mi-juillet, c'est généralement un bon moment pour être cocardier sans (trop) se faire taxer de facho. Bon, les défilés militaires me gavent, et je suis très mal introduit dans l'intelligentsia yuppie-parisienne, si bien que je n'ai pas de pote qui habite le XVème avec terrasse. Pour le feu d'artifice, ce fut donc râpé, d'autant que j'avais en plus la flemme de carapater jusqu'au Troca. J'ai bien eu l'occasion d'imiter Mireille Mathieu au cours de ma partie de Cranium, mais c'est tombé sur mon binôme...

Du coup, mon élan patriotique se limitera à vous parler d'un film - français, fatalement... - que j'ai découvert il y a 2 ans et que j'ai déjà revu un paquet de fois depuis, c'est dire s'il est vraiment très bon. Et en plus, je pense à vous : quand vous serez en société la prochaine fois, embarqué dans une "discussion" avec ce type au physique disgracieux qui s'écoute parler, qui vous soutient que rien ne vaut un bon film yankee et que le cinoche français ressemble à un no man's land quelque part entre les rues de la capitale au mois d'août et Fukushima, bah au lieu de jeter des regards plaintifs appuyés à sa copine, vous pourrez lui parler de Ma vie en l'air. Parce que Jacques Audiard ça risque d'être un peu compliqué pour lui...

Ma vie en l'air - Poster


Ma vie en l'air a pointé le bout de son nez le 7 septembre 2005, la même semaine que le très sympa Virgil. Facebook et Twitter n'étaient pas ouverts au public, les geeks s'épanchaient sur leur skyblog et le petit Nicolas créchait encore Place Beauvau : une époque révolue...

L'histoire est celle de Yann (Vincent Elbaz), dont la phobie de l'avion lui cause de laisser filer toutes ses futures ex, à commencer par Charlotte (Elsa Kikoïne), son premier amour. Bien que soutenu par son ami d'enfance, Ludo (Gilles Lellouche), il semble inconsolable. Bien des années plus tard, il rencontre Alice (Marion Cotillard), sa voisine, à travers le trou qu'elle vient de faire dans le mur mitoyen. Au lieu de lancer une fatwa à son encontre, il en tombe amoureux et croit enfin avoir trouvé "la bonne" quand il retrouve par hasard la trace de Charlotte. Va falloir faire un choix mon grand...

À l'école, on nous bassine avec l'intro : c'est le moment où tu dois accrocher ton lecteur, lui donner envie de rester avec toi jusqu'au bout du voyage, jusqu'à ce que ta cartouche soit vide. En gros, lui retirer cette envie qu'il a de barrer d'une grande croix rouge ta copie double Clairefontaine. Un peu comme commencer un billet par "Choper comme DSK sans se faire choper, c'est possible !" si vous destinez votre blog à des hommes mariés 45+.
Ma vie en l'air a une intro en béton armé. Sur des images de ciel étoilé, les noms défilent et la voix off d'Elbaz déclame ce fameux monologue :

"J'ai peur en avion. J'ai toujours eu peur en avion. Pour qu'un avion se crashe il faut une succession d'emmerdements  qui dépasse l'entendement : une loi des séries de l'emmerdement qui dépasse toutes les lois, y compris la loi de Murphy - la loi de l'emmerdement maximal. Non, pour qu'un avion se crashe, il faut penser à la théorie des tranches de gruyère. La première fois que j'ai entendu quelqu'un me parler de cette théorie, je devais avoir une dizaine d'années. Un collègue de travail de mon père a tenté de m'expliquer pourquoi je devais pas avoir peur en avion. La probabilité d'un crash aérien est équivalente à la probabilité qu'on puisse tirer un trait bien droit qui traverserait tous les trous d'un gruyère coupé en tranches. J'avoue que ça m'avait pas convaincu plus que ça. Surtout quand bien des années plus tard, le 25 mai 1991 à 18h20, le vol ITZ5632 Paris-Zurich s'est écrasé et que le collègue de mon père était dedans. Des fois on peut tirer des traits bien droits à travers les trous de plusieurs tranches de gruyère. C'est comme ça, c'est suisse..."


Le ton est donné, et vous vous enfoncez un peu plus dans le canapé en même temps que vous desserrez l'étreinte autour de la télécommande. Vous venez de signer pour 1h40. La bonne nouvelle c'est que le niveau des dialogues ne faiblira pas. C'est d'ailleurs une des grandes forces du film, ce qui le rend immédiatement sympathique. Morceaux choisis :

"J'étais au concert hier soir. Oh la déception sur Annabelle mon pote ! Fin du premier morceau et là elle lève les bras : un Jackson 5 sous chaque aisselle ! Et puis pas du petit, hein : de la période disco ! Horrible !"


 

"Oh ça va bien hein ! On m'crache à la gueule, j'vais pas d'ire qu'il pleut non plus !" 


 

"- Cette fille, elle était au-dessus de tout. Jamais je trouverai quelqu'un d'aussi bien...
- Arrête, tu l'as connue trois semaines !
- Trois semaines magiques, j'm'en remettrai jamais Ludo. Je sais. Tu t'rends compte que j'ai laissé s'envoler la femme de ma vie ?
- Mais attends Yann, souviens-toi des cours de biolo de Madame Perrotin. Une femme c'est quoi ? 95% d'eau : d'la flotte !"


Et tellement d'autres... En v'là un scénar qu'il est bon ! Autour d'une idée de départ plutôt évidente (la peur en avion comme métaphore de celle de s'engager), Rémi Bezançon, le réalisateur-scénariste, arrive à conférer une originalité à sa péloche. La faute à toutes ces petites trouvailles : le running gag du cockpit, la journée de Ludo en accéléré, l'économiseur de mots... Toutes ces scènes irracontables qui feront que vous aurez probablement envie de les revoir.

Kikoïne, Elbaz, Ford Mustang in Ma vie en l'air


Le casting est au diapason, et si Elbaz semblait fait pour jouer Yann, ses acolytes s'en sortent avec mention, y compris la Reine MarCo... Il y a une espèce de bonne humeur communicative à les regarder se balancer des vannes et faire les cons.

Entre autres prodiges, le film réussit également celui de réhabiliter Sinclair ! Le fiston Blanc-Francard est l'auteur de la bande-originale qui fait quasiment office de personnage secondaire. Le lancinant thème principal composé sur célesta est une petite merveille dont le motif vient améliorer quelques séquences (le choix du lit...) De quoi oublier qu'il cachetonne aujourd'hui dans les télé-crochets...

Ma vie en l'air est une comédie romantique. Je sors les gros mots pour vous montrer que c'est pas obligé de piquer ! Il dépasse de toutes les cases dans lesquelles on veut bien le ranger : romcom, comédie générationnelle, film de potes... pour surfer assez largement au-dessus de la qualité moyenne des productions de ce genre. C'est le premier film de Rémi Bezançon, réal à suivre qui a depuis confirmé avec Le premier jour du reste de ta vie (comme la chanson de Daho, vous pourrez vous la raconter sur Twitter)

Finalement, c'est un numéro d'équilibriste bourré de charme. Toujours sur le fil entre humour et nostalgie, comme le souvenir d'Estelle Buisson :

"Ca y est, j'étais fou amoureux. Elle me faisait penser à Estelle Buisson mais en mieux. Estelle Buisson, une fille terrible de deux classes au-dessus  qui nous avait montré ses seins dans une minuscule et inconfortable cabine du lycée Jules Ferry qui sentait le chlore et les chaussettes sales."

 
Cotillard, Elbaz, Lellouche in Ma vie en l'air

16 thoughts on “Ma vie en l'air...”

  1. ce film je voulais dire... Je suis fatiguée je crois. Premier commentaire avec un lapsus non révélateur (ouf). Bien qu'en relisant ça passe quand même ma phrase, on pourrait presque croire que je ne me suis pas trompée. ^^

  2. Mademoizaile, vous qui passez sans soucis...
    Effectivement, la phrase n'était pas si bancale que cela !
    Merci du passage et bon film alors. C'est un très bon choix, mais vous le savez déjà !

  3. Quand mes mains se promènent dans l'étagère des DVD, à la recherche DU FILM qu'il me faut ce jour là, j'aperçois "ma vie en l'air" et sans le sélectionner pour autant, je me souviens qu'il m'avait laissé un excellent goût quand je l'avais regardé la 1ère ou la 2nde ou plus. Un goût très agréable même. Marion Cotillard blonde mais néanmoins toujours très belle, et Vincent Elbaz et tout et tout .....
    J'ai oublié de préciser que mon étagère regorge de comédies romantiques, mais je le dis pas à tout le monde.... ahahaha car j'assume pas trop en réalité, alors en vous lisant je me dis que je devrais finalement !!! allez Catherine : même pas peur !!! ça ne pique pas.
    Merci Julien

  4. Oh oui, je l'ai aussi cette pépite. Finalement je vais peut-être devoir mettre sous clé, mon étagère remplie de pétites... d'or et ça pourrait attirer la convoitise. On n'a pas toujours conscience des richesses que l'on possède et ça vaut pour l'immatériel aussi bien sûr !!

  5. Le Premier Jour du Reste de Ta Vie vu et revu et rerevu. Un réel bonheur.
    Mais le pire, c'est le DVD de "Ma vie en l'air" qui trainait parmi ma collection de DVD depuis au moins 3 ans ! Je n'avais jamais eu l'envie irrepressible de l'inserer dans mon lecteur DVD !
    Quelle erreur ! La lecture de ce post m'a fait me motiver a le faire et je ne boude pas mon plaisir ! Quelle soirée sympathique !

    Merci Julien :)

  6. @CathLion : Tellement vrai ! Protégez tout cela jalousement, c'est un ordre !

    @Cassiopée : Je t'en prie ! Difficile de regretter l'heure quarante consacrée à ce film...

  7. Et bé, je n'ai jamais entendu parler de ce film avant ce post et maintenant que je l'ai vu, je dois dire que je ne suis pas déçu du tout. Merci Julien !

  8. "le cinoche français ressemble à un no man's land quelque part entre les rues de la capitale au mois d'août et Fukushima"

    Je n'ai pas pu m'empêcher de rire!
    Je t'assure que le scénar de Fukushima, il était très bien bouclé. La version live était impeccable, j'en brille encore dans le noir! (^v^)/

    http://regard-dailleurs.over-blog.com/article-j-comme-gang-bang-cataclysmique-69288538.html

    "Nuclear Nippon : le film qui explosera vos écrans."

  9. "Les rayons font pâle figure...", à la lumière du jour, car dans l'obscurité, c'est plutôt "glow in the dark" !

Leave a Reply

Envie de réagir ?

1/ Saisissez votre texte dans le cadre ci-dessous.
2/ Sélectionnez votre profil dans la liste déroulante : si vous disposez d'un compte (Google, etc.), identifiez-vous. Sinon, vous pouvez entrer un nom ou pseudo sous "Nom/URL".
3/ Cliquez sur "S'abonner par e-mail", pour être prévenu dès qu'une réponse sera postée.
4/ Enfin, cliquez sur "Publier". Job done!

Merci à vous !