Italian for beginners…

Tiens, une fois n’est pas coutume, je vais vous parler de géopolitique. De l’espace Schengen plus précisément. L’espace Schengen, c’est un peu comme une défense de Ligue 1 si tu t’appelles Zlatan Ibrahimovic. Et l’évocation de l’attaquant suédois – comme son nom l’indique – est tout sauf fortuite. Au-delà de m’assurer un nombre substantiel de clics sur ce billet (tu vois, dans Le Point, ils auraient utilisé “arabe”, “immigré”, “franc-maçon” ou pire, “assisté”…), je me place sous le patronage d’une personnalité dont nous avons suivi les pas le temps d’un week-end. Je dis “nous” parce qu’on était 3, et vu la taille des pieds du bonhomme, c’était pas du luxe.
Pour la licence poétique, on a fait le chemin dans le sens inverse (au moins à l’aller). Car toi qui me lis, et qui n’est pas nécessairement au fait des choses du ballon, sache que Zlatan évoluait à Milan, dans les rangs du Milan AC, avant qu’un gros chèque projet sportif attrayant ne le mène jusqu’à notre capitale. Quoi de plus normal pour le Duc des Lombards ? Bref, le premier week-end de mars, nous avons filé à l’italienne. C’est comme filer à l’anglaise, mais avec du soleil et de la bonne bouffe.

Pour moi, l’Italie, ça a longtemps été un court passage à Vintimille avec les parents. Enfin, je ne me souviens pas, c’est eux qui me l’ont dit. C’est tout près de la frontière ; si l’Italie est une botte, c’est le premier centimètre de la fermeture Éclair. Là, on a été bien plus loin et encore plus facilement qu’à l’époque : merci Schengen ! Si Raphael n’a jamais su ce qu’il faisait là, nous, on savait : on venait pour le match de Serie A entre le Milan AC et la Juventus de Turin, un projet de longue date. 1h d’avion plus tard (REP A SA, Malaysia Airlines !) et nous voici à Malpensa, l’équivalent pour la capitale lombarde (Milan, au cas où tu suis pas) de l’aéroport de Beauvais. Je vais vous épargner la visite touristique, on fait exprès des guides pour ça. Puis faut reconnaitre qu’en dehors de l’hypercentre, la ville est moche. Y’a quand même un putain de chef-d’œuvre : le Duomo, la troisième plus grande église du monde.

Duomo

J’avais dit que je ne te ferais pas la visite, mais je préfère te montrer ça que le quartier dans lequel on logeait, qui ferait passer la Canebière pour les Champs-Elysées en comparaison. Quant à notre hôtel, nous avions choisi une chaine portant le nom d’un oiseau autrefois vénéré dans l’Égypte ancienne. Accor et désaccords : un lit de 70 cm (0,36 Zlatan) ; je n’avais pas dormi dans si peu large depuis la couveuse de la maternité. Et encore. Qu’importe le flacon, car dès le lendemain – jour de match –, nous avons pris la direction du stade dont les abords sont joliment ornés de graffitis. et bardés de stands qui dégainent leurs plus belles contrefaçons pour appâter le chaland peu regardant.

Balotelli

Maillots

Quand j’ai vu apparaître le stade au bout de l’allée qui le sépare du métro, ça m’a fait quelque chose. Je me suis souvenu de tous les dimanches soirs passés à regarder l’Équipe du Dimanche (Téléfoot pour le foot européen et en mieux), la parenthèse italienne d’Alessandra Bianchi (imagine une Italienne à frange sapée comme une cagole avec la voix de Garou), des lundis midis aussi, à regarder en avance rapide la VHS enregistrée la veille (au collège, je me couchais tôt) pour pouvoir tout voir pendant la coupure déjeuner.

SanSiro

SansSiro2

La nostalgie, c’est bien, la visite du stade aussi. Moyennant 14€, tu le parcours en compagnie d’une guide bilingue italien/anglais qui panique et hurle parce qu’on s’attarde un peu trop partout. En même temps, j’ai envie de lui dire à la version jeune d’Ornella Muti que c’est pas tous les jours que t’as le droit d’entrer dans le vestiaire des deux clubs milanais.
Elle est belle cette enceinte, avec ses piliers de béton, ses tours d’accès, sa tribune ouverte parce que dépourvue de troisième niveau, ses poutres rouges, l’inclinaison des gradins… Tout ça lui donne un charme incroyable, à la manière de New York qui n’est pas non plus une belle ville à proprement parler. Pour le voir en configuration match, il faut encore patienter quelques heures…

La magie des internets, c’est aussi de faire passer plusieurs minutes en un saut de ligne.

Comme ça.

On est peu ou prou à 1h du match, la circulation (non alternée) piétonne est bien moins aisée jusqu’à l’arène de Giuseppe Meazza. Faut que tu saches, si tu te demandais comme moi, que le stade a deux noms dont un seul officiel. Il a été baptisé San Siro lors de sa création du nom du quartier dans lequel il se trouve. En 1980, il a été rebaptisé Giuseppe Meazza, en hommage à un joueur ayant évolué sous les deux maillots. Cependant, notre bon Giuseppe a fait la gloire de l’Inter, moins celle du Milan (où il n’a passé que 2 ans). Du coup, les supporters de l’AC Milan ont conservé le nom d’origine (San Siro). Voilà, tu sais tout, et si tu galères un peu sache que ceux qui savent disent Milan pour le Milan AC et l’Inter pour l’Inter Milan. Et si tu ne comprends toujours pas, fais comme les bobos lorsqu’ils écoutent un album qui a reçu une excellente critique dans Télérama : hoche la tête et souris.
Assez parlé culture, c’est l’heure de manger, d’aviser d’un air goguenard les néons qui affichent “panini bibite”, puis de rejoindre la procession jusqu’à l’entrée. Le football est une religion ici, pas un hasard que de nombreux matchs se disputent le dimanche. L’affaire est prise très au sérieux, et il faut montrer patte blanche pour entrer. Un passeport en vrai, et tant mieux, je commençais à regarder mes paumes, inquiet. Tu vois les différentes tours le long de l’enceinte qui donnent un petit côté Guggenheim ? Sache qu’elles abritent un  accès en colimaçon, le seul empruntable pour rejoindre ta place dans les niveaux supérieurs. Évidemment, nos billets étaient situés au dernier, on a donc fait un peu de sport avant d’en regarder. Le truc qui frappe immédiatement, c’est l’ambiance, à croire qu’on avait perdu l’habitude avec notre fade ligue 1 (à l’exception notable de Guingamp, petit stade, mais grand public, aucun second degré, promis !) T’es pris dans la masse de tous ceux qui veulent rejoindre leur (saint) siège, la tension est palpable, il reste quelques minutes à peine et ce système de sections à la con commence à t’angoisser légèrement. C’est où, bordel ?! Finalement, tu t’assois et tu te tais pour profiter. Tu entends parler français juste derrière toi, mais tu t’en fous, t’es bien là.

SanSiro3

Ce que j’ai oublié de te dire, c’est qu’en ville, on a placé des paris pour rendre l’expérience un peu plus intense. Ludo et Cyril ont misé sur un nul, moi sur la Juve. Un coup que je pensais sûr jusqu’au coup d’envoi : la Vecchia Signora rate son entame et le Milan AC se procure un chapelet d’occasions manquées par des attaquants visiblement athées. La Vieille Dame, c’est le surnom du club turinois, je souris en me souvenant que ce dimanche est celui de la fête des grands-mères. De l’à-propos. Autant que Fernando Llorente qui ouvre la marque à la toute fin du premier acte, contre le cours du jeu selon la formule consacrée. Carlos Tévez l’imitera en seconde mi-temps d’un pétard claqué sous la transversale d’Abbiati. 0-2, ce sera le score final. La (grosse) poignée de supporters bianconeri qui a fait le déplacement est en liesse : chants, bombes agricoles, vivats, et satisfaction des mômes qui ont réussi un sale coup. Le match était moyen techniquement, surtout de la part de la Juventus qui domine le championnat, mais ce fut assurément une belle soirée et je crois savoir que nos voisins japonais ont apprécié l’entrée en jeu de leur compatriote qui a perdu tous ses ballons au moment où la partie se débridait.

C’était la première fois que j’allais véritablement en Italie. J’ai beaucoup moins galéré qu’à Tokyo pour échanger avec les autochtones, et même si je n’ai pas fait italien LV2, je n’ai eu aucun mal à comprendre le chauffeur de taxi qui a qualifié la jeune femme court vêtue qui tentait de communiquer à travers la vitre d’un laconique “putana”. Un soupçon de poésie n’a jamais fait de mal à personne, a fortiori à 3h du matin, à la sortie d’un bar. Une vignette de plus pour un premier match du calcio. Anecdotique au niveau de la qualité de jeu, beaucoup moins pour le cadre somptueux et l’ambiance. Bien que je combatte habituellement l’idée, j’ai quitté le stade un peu plus enclin à admettre que, parfois, l’herbe est plus verte ailleurs…

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