Cahiers de cinéma - Entrée #15…

The Monuments Men (“Monuments Men”) (2014) de George Clooney
The Art Heist
Une visite au musée avec Édouard Balladur sous Lexomil pour conférencier. Voilà, en une phrase, l’expérience la plus proche du visionnage du dernier Clooney réalisateur. Je précise, car depuis 2002, George s’est offert une nouvelle casquette, celle de metteur en scène. Le souci, c’est qu’en tant que comédien, il brille dans des rôles cyniques et désabusés (The American, In the Air, The Descendants récemment), alors qu’il a énormément de mal à planquer son idéalisme sous sa visière de réalisateur. Pire que ça, il le laisse exsuder. Sa carrière avait pourtant bien démarré : Confessions d’un homme dangereux, puis Good night, and Good Luck étaient de belles réussites, avant qu’il ne devienne docteur ès enfonçage de portes ouvertes avec ses Marches du pouvoir (la politique, c’est maaal, le pouvoir et l’ambition corrompent, etc.) et donc The Monuments Men. Le vol n’est pas une activité gratifiante – a fortiori lorsqu’il contribue à détruire une civilisation –, l’art est à sauvegarder/protéger (il parle bien évidemment de lui avec le cinéma) et les Nazis sont méchants. Encore une morale Fisher Price ! Sympa, mais fallait pas te casser, George. Vraiment. Puis ton film est archi mal structuré, on dirait un work in progress. L’absence de présentation des personnages fait que l’on n’a pas la moindre empathie et que l’on se fout quasi-royalement de ce qui peut bien leur arriver. On assiste juste à leur recrutement au cours de séquences très brèves qui rappellent (de très loin) la série Mission Impossible mouture 1966. Rien de plus. OK, il a casé ce qu’il pensait être une habile critique du système hollywoodien lorsque la découverte d’une mine d’or a plus de retentissement que celle d’œuvres d’art. OK, le discours sur les mecs vieillissants mais encore capables sert sa paroisse de néo-quinqua. OK, c’est un hommage au cinéma de papa en même temps qu’à ces oubliés de l’histoire, mais bien trop appuyé, naïf, sentimentaliste (dans le sens péjoratif), relou, quoi. C’est plus Sleepy Dozen que Dirty. C’est ennuyeux et mal foutu, à l’image de la voix off utilisée avec la subtilité d’un scénariste de fictions TF1. Là où Tarantino avait réussi pareille entreprise, Clooney se vautre, allant jusqu’à intégrer une pâle copie de la scène d’ouverture d’Inglourious Basterds. Alors, ouais, ça semblait vraiment cool ce projet sur le papier. La réunion de potes pour se faire un cosplay 40’s avec la raie sur le côté, la stache et les blazers. Le fun et le panache se sont paumés en route pour déboucher sur un Ocean’s Eleven fatigué où les gags surannés alternent avec des bribes de guerre, parce que ça rigole pas la guerre, y’a des gens qui meurent, t’as vu. Pas de quoi donner de l’ampleur à ce film trop théâtralisé, trop “comédisé”, plombé par la partition d’Alexandre Desplat, qui s’est tapé tous les films de guerre cultes pour en singer les BO. Il y fait même un caméo histoire de gâcher l’audio et la vidéo. Son et lumière. Dans la bande, on retrouve John Goodman, brillant dans le dernier Coen, qui semble malheureusement dire oui à tout et n’importe quoi. Dujardin, qui depuis son Oscar enchaine les rôles de guignols-francophones-à-l’accent-merdique-qui-casent-toujours-un-juron-dans-la-langue-de-Molière-pour-faire-se-gondoler-le-spectateur-américain-moyen. Il vaut mieux être grand chez les petits que petit chez les grands. Un peu extrême, mais la vérité est quelque part par là. La pauvre Cate Blanchett. Matt Damon, mal servi (running gag du français approximatif), qui apporte tout de même son humanité ainsi que les rares vannes à faire mouche. Bref, les mecs sont plus là pour le catering qu’autre chose. Le midi du jour de la séance, j’ai appris, grâce à une question de Tout le Monde veut prendre sa Place - thème “vocations contrariées –, que George Clooney se destinait à une carrière de joueur de base-ball. Attention ! Dans sa filmo de réal, on va commencer à compter les strikes

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The Grand Budapest Hotel
(2014) de Wes Anderson
Origin of Symmetry
Ç'aurait pu être une aventure quelque peu barrée de Tintin, ce n’est “que” la dernière pépite de Wes Anderson : brillante, enthousiasmante et charmante. Et Dieu (et vous qui me lisez aussi) sait que je ne porte pas particulièrement le bonhomme dans mon cœur. Je lui concède volontiers des fulgurances, le plus souvent atténuées par son côté poseur. Ici, il réussit à conférer un charme suranné à son film, une énergie et un mouvement incroyables avec une simple alternance des sacrosaints travellings et de plans fixes. Obsession pour la symétrie, travellings, romance détraquée, absurde… Les éléments habituels sont là, plus efficaces parce que mieux dosés (les acteurs, notamment, débitent leurs répliques de façon moins neurasthénique). Le tout illustré par la superbe BO d’Alexandre Desplat (bah oui, même lui !) On a même le droit à une petite métaphore de l’œuvre de son auteur par lui-même lorsqu’un personnage explique qu’il a préféré un hôtel miteux et désuet à la fortune. Avec ou sans Booking.com, séjour hautement recommandé !

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Non-Stop
(2014) de Jaume Collet-Serra
Incohérences à 30000 pieds
Deuxième projet consécutif ensemble, un troisième actuellement en post-production : le couple Neeson/Collet-Serra danse kolé séré. Voilà, c’est tout pour moi, je m’appelle Julien.
Trêve de plaisanteries, le binôme semble avoir pour ambition de faire renaitre un cinéma du dimanche soir à coups de thrillers calibrés pour mangeurs de popcorns. Un whodunit en altitude + du Agatha Christie aussi écervelé qu’énervé, voilà la formule de la dernière fournée.
Au regard du profil des passagers (des noirs, des arabes, une rousse, des binoclards et un alcoolique), j’ai d’abord cru que le vol était une allégorie du purgatoire. [Je m’arrête un instant afin de spécifier que je ne suis pas raciste : je dors dans le noir !] Puis les premières incohérences et stupidités m’ont vite rassuré sur le niveau d’ambition de l’ensemble. À commencer par un federal air marshal qui a peur de l’avion, qui fait à peu près tout ce qui est prohibé : fumer à bord, bailler sans mettre sa main devant sa bouche, etc. Plutôt amusant à suivre, presque haletant, sans pour autant voler bien haut. BA DUM TSS!

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Dallas Buyers Club
(2013) de Jean-Marc Vallée
Héros positif
Petit cours d’arithmétique weinstenienne : Biopic + histoire vraie + acteurs grimés/émaciés/méconnaissables + sujet fort x potentiel pathos exponentiel = Oscar. Les planètes semblaient s’aligner pour que l’on se retrouve face à un produit lénifiant, ronflant d’académisme. Eh bien NON, on serait plutôt aux antipodes de cette promesse guère séduisante grâce à un montage elliptique et pudique, qui ne s’attarde jamais. La première séquence de rodéo est une métaphore de tout ce qui va suivre : dès l’annonce de sa maladie, Ron Woodroof (McConaughey, impérial) va livrer un combat pour rester le plus longtemps possible en selle, de la même façon que sur le taureau avec pour différence notable que, de cette chute (inéluctable et annoncée), il ne se relèvera pas. Ce personnage, bien que condamné, va refuser sa condition, la transcender. C’est un héros, ni plus ni moins, qui refuse la fatalité et choisit son destin. Il y a dans sa trajectoire une version détraquée/désenchantée du rêve américain en même temps qu’une réflexion passionnante sur la condition humaine. Porté de bout en bout par son couple oscarisé (comme quoi…) d’interprètes principaux, le film a ce quelque chose de poignant qui vous saisit progressivement pour ne plus vous lâcher à mesure que l’on approche de l’inévitable conclusion. Là encore, Jean-Marc Vallée esquive d’une jolie pirouette la dramatisation avec un dernier plan, sublime arrêt sur image, qui hante longtemps après la projection. Fort…

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Captain America: The Winter Soldier
(“Captain America : Le Soldat de l’hiver”) (2014) d’Anthony & Joe Russo
Ohé, ohé, capitaine abandonné
Vous vous souvenez de Mickael Winter, le frère d’Ophélie, qui avait une malformation du bras ? Eh bien, il s’est fait poser une prothèse en métal, s’est teint en brun, a arrêté de se laver les cheveux pour réapparaitre sous l’identité secrète du soldat Winter. Le Winter Soldier du titre. Excédé par les vibes de sa sœur, il est devenu extrêmement vindicatif, notamment à l’encontre du Capitaine de l’Amérique. On ne sait pas très bien pourquoi, juste qu’ils vont se livrer une partie de bras de fer sur près de 2h20. Mais comme c’est Marvel, il leur faut bien ça pour nous expliquer, qu’en fait, le Capitaine de l’Amérique est nul au bras de fer. C’est con. Lui, préfère rosser du terroriste québécois en séquence d’ouverture, faire des listes de trucs à connaitre pour se mettre à jour (différente pour chaque pays, soyez pas surpris d’y voir Louis de Funès et Coluche) puis trainer son regard mystérieux (comprendre bovin) dans une parodie de thriller parano 70’s que ni la caution de Robert Redford – grande figure du genre, qui semble avoir une piscine à faire construire –, ni ses acolytes (Natacha “Anne” Romanoff, et Anthony Mackie, pas du tout, mais alors PAS DU TOUT ridicule bardé de son exosquelette ailé) ne rattrapent. C’est là tout le paradoxe de ce type de cinéma : sauver le monde, mais ne pas réussir à sauver le film. Bref, c’était intéressant le sous-texte sur la situation présente des États-Unis, le petit tacle à la NSA. Enfin, petit tacle… C’est Marvel, donc ce serait plutôt à la carotide, les deux pieds en avant, avec des Rangers à crampons de 18, taille 47…

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Noah
(“Noé”) (2014) de Darren Aronofsky
Arche ou crève !
Noé est un hipster ascendant bobo. Il porte une barbe épaisse et soyeuse, des vêtements faits de coton bio, et vit avec sa famille dans une tente Quechua qui lui avait servi à occuper le canal Saint-Martin en compagnie des Enfants de Don Quichotte, il y a de cela plusieurs années. Il ne dort pas très bien, victime de visions cauchemardesques récurrentes. Il est persuadé qu’il s’agit d’un message du Créateur (la newsletter Merci Alfred, ou tout autre média pensant détenir les clés suprêmes du cool, quoi) l’invitant à construire un gigantesque magasin Nature & Découvertes, projet HQE s’entend. Parce que Noé est évidemment militant écolo. Il rencontrera quelques difficultés, notamment la horde de beaufs qui souhaite échapper au déluge, mais il ne cèdera point, convaincu en bon hipster qu’il est bien au dessus de ces gens-là et que, lui et sa famille, sont les seuls à mériter d’être sauvés. Sans compter les espèces animales qui viendront faire de ce film le premier biopic réussi du fondateur d’Animalia. Quelle aventure !
En vrai, c’est un blockbuster biblico-métaphysique qui fait parfois penser à The Fountain. Un film à gros budget piloté par un mec avec une vision, ce qui le démarque du tout-venant. J’ai un peu de mal à me prononcer définitivement sur son cas, je sais simplement que j’ai été séduit par de nombreuses choses, à commencer par cette séquence assez dingue qui met en parallèle la vision religieuse (Noé raconte la genèse) et scientifique (les images qui accompagnent le récit illustrent l’évolution). Il y a quelques longueurs et autres raccourcis, mais la vraie bonne idée est de s’être suffisamment détaché du récit biblique pour aboutir à ce résultat aussi intrigant que fascinant.

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47 Ronin
(2013) de Carl Rinsch
“Rivers of blood and mountains of corpses will not stand in our way.”
Wow! Ce truc a couté un peu moins de 200M$ ! Une telle bagatelle pour un tel résultat, c’est triste. Bien sûr, ça se regarde, bien que ce soit manichéen au possible. Si les intrigues de palais light et le chambara Ikea vous branchent, OK. Pour les autres, il y a au moins un intérêt majeur : voir et entendre Keanu Reeves débiter une déclaration d’amour à destination de son love interest sans se séparer de sa seule et unique expression faciale. C’est bizarre, et ça fait peur : on dirait Mélenchon qui proposerait une idée constructive…

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Divergent
(“Divergente”) (2014) de Neil Burger
<4 (je sais pas pourquoi j’ai mis ce symbole, je l’ai vu sur plein de trucs concernant le film…)
Bon, j’ai fait comme tous ces mecs qui achètent les CD de Shakira juste parce qu’elle est physiquement intelligente : je suis allé voir Divergent pour Shailene Woodley, Kate Winslet et Maggie Q. Fuck la gender theory ! Bien fait pour moi. Quiconque est âgé de plus de 12 ans ferait mieux de passer son chemin, et si vous vous laissez tout de même piéger, y’a du Woodkid, ça fait (infinitésimalement) passer le temps. Sinon, lorsque toutes les filles de ma séance riaient à chacune des répliques du personnage principal masculin, j’ai été soulagé de constater que je n’étais pas le seul à trouver qu’on tenait là le plus grand canard de l’histoire du cinéma. Un mec qui mériterait la quadruple perpétuité en friend zone, mais qui au lieu de ça chope la nana. The chick lit stays winning \o/

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La Crème de la Crème
(2013) de Kim Chapiron
Maquereau-économie
La jolie surprise ! J’avais regardé plusieurs fois la bande-annonce (et l’affiche) racoleuse d’un œil suspicieux. Je me suis laissé tenter, et j’ai bien fait ! Le début “hey t’as vu, j’suis pote avec Justice !” m’a un peu inquiété, la suite m’a rassuré. Oui, ça parle de sexe, de proxénétisme, du milieu des grandes écoles, mais ce n’est pas le thème du film. Il y a de la tendresse pour des personnages qui découvrent – parfois à leur insu – les sentiments. C’est un portrait de la jeunesse actuelle, qui rappelle par moments celui brossé par François Ozon dans son Jeune & Jolie jusque dans l’utilisation de chansons de variété française pour illustrer les différents tableaux. C’est un film léger en apparence, l’œuvre d’un trentenaire calme, mais roublard, comme en témoigne cette ultime scène proprement savoureuse !

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2 thoughts on “Cahiers de cinéma - Entrée #15…”

  1. Je vous ai connu grâce à la télévision, j'ai trouvé que votre culture générale était fabuleuse, et maintenant je retrouve votre culture dans vos chroniques. J'attends avec impatience la prochaine. ?

    Jacques Tarpin
    tarpinjacque at free point fr

  2. Bonjour Jacques, je suis très flatté ! Merci beaucoup ! Soyez le bienvenu, faites comme chez vous. Je vous laisse déambuler dans les méandres de cet espace en attendant les prochaines apparitions !

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