C’est un peu trivial mais, en voyage, l’aéroport est bien souvent le premier souvenir que l’on se crée. Lorsque j’ai débarqué à Rio ce lundi d’octobre il y a bientôt 4 ans, que je me suis retrouvé face à un agent de l’immigration un peu obtus qui insistait vigoureusement pour que je retire mes lunettes sous prétexte que je ne les porte pas sur la photo de mon passeport, j’ai acquis la certitude qu’il existait quelque part un univers où la supercherie Clark Kent/Superman serait parfaitement plausible. Cet aéroport international de Rio de Janeiro-Galeão a été baptisé Antônio-Carlos-Jobim au crépuscule du siècle dernier, en hommage au cofondateur de la bossa nova. Avec João Gilberto, Chico Buarque, Gilberto Gil, Sergio Mendes, Caetano Veloso, Jorge Ben Jor, Seu Jorge et Michel Teló, la vitalité musicale du Brésil n’est plus à démontrer. Tant et si bien que la FIFA a choisi de confier l’hymne officiel du Mondial organisé sur ses terres à un trio d’esthètes… Attention ! Un soupçon d’ironie s’est glissé dans la phrase précédente, sauras-tu le retrouver ? Bref, l’indignation est d’autant plus légitime que la chronique s’intéresse aujourd’hui au samedi 21 juin 2014, jour de fête de la musique, de solstice d’été et de douche pour Zaz ! Argentine/Iran et Nigéria/Bosnie-Herzégovine ont encadré un Allemagne/Ghana de toute beauté. Des joueurs ghanéens qui ont pris l’habitude à leur arrivée au stade de rythmer leur progression jusqu’au vestiaire par des chants. La musique, eux, ils la connaissent…
“Ole ole ole ola. Ole ole ole ola. Ole ole ole ola. Ole ole ole ola.” Voilà, vous apprenez ça par cœur, vous le répétez 3 fois et vous connaissez quasiment la moitié de We Are One (Ole Ola), hymne officiel de cette Coupe du monde interprété conjointement par Pitbull, Jennifer Lopez et Claudia Leitte. À en croire la page Wikipédia du titre, pas moins de 9 personnes ont collaboré à son écriture ! Tant de fées penchées au dessus du même berceau, ça laisse songeur… En 1978, c’est Ennio Morricone qui avait composé tout seul le thème du Mundial argentin. C’est ça, le petit vieux qui a signé un paquet de bandes originales. Effectivement, c’est moins aisé à jouer en discothèque. Allez, go pour Pitbull, les gars ! #YOLO
Shah noir
Qu’on le veuille ou non, un match de l’équipe nationale iranienne revêt toujours un aspect politique. Je me souviens du hasard qui les avait placés dans la même poule que les États-Unis en 98, d’une rencontre qu’on disait sentir la poudre, des frissons que m’avait procuré la chevauchée fantastique de Mehdi Mahdavikia, parti pratiquement de son camp pour aller inscrire d’un joli cou-de-pied légèrement extérieur le but victorieux, de la photo d’avant-match entre les 2 collectifs mélangés, d’une belle, humaine et forte soirée de sport qui avait plus fait en quelques heures que des années de diplomatie… Ce n’est pas un effet d’annonce, et je vous promets que je ne le savais pas avant de l’écrire, mais cette rencontre s’était disputée… un 21 juin !
On le sait, Mahmoud Ahmadinejad avait dédié son mandat présidentiel à agacer la communauté internationale avec son programme nucléaire. La sélection perse a fait subir le même tourment à son homologue argentine pendant presque toute la durée du match qui les a opposées. Concédant volontiers la maîtrise du ballon à son adversaire, l’Iran a évité de peu d’entrer dans l’histoire de ce Mondial comme la première équipe à afficher une possession de balle inférieure à la cote de popularité de Hollande.
Il n’est pas nécessaire d’avoir le piedmise (c’est comme la mainmise, mais pour le pied…) sur le cuir pour se montrer dangereux. Si les tentatives successives et maladroites de l’Albiceleste fuient souvent le cadre, l’Iran place quelques contres autrement plus dangereux sur lesquels Romero doit s’employer, notamment à 3 reprises devant Reza (52’, 86’) et Dejagah (67’).
On l’a vu 100 fois ce match, le petit poucet qui résiste encore et toujours à l’envahisseur mieux armé et finit invariablement par céder dans les ultimes instants. L’espérance de la Team Melli s’enhardissait au fur et à mesure que les secondes s’égrenaient. Et puis. Héritant d’un ballon aux abords de la surface, le quadruple Ballon d’Or – invisible de la rencontre – réalise l’enchainement parfait crochet extérieur-intérieur du pied amoureusement enveloppé. La frappe soyeuse s’en va délicatement caresser le fond du filet. (1-0, 90’+)
Les réprimandes de la communauté internationale ont longtemps amusé plus qu’elles n’ont vraiment inquiété Mahmoud Ahmadinejad. Samedi, il a suffi d’un coup de patte de Lionel Messi pour calmer son pays. Moralité : coupe au bol > casque bleu.
“Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.”
C’est un classique ressassé du sport de haut niveau, du football en particulier : le duel fratricide. Généralement, on l’emploie pour ajouter un supplément de dramaturgie à l’affrontement entre 2 personnes très proches sans qu’il y ait nécessairement filiation (“aucun lien, j’suis fils unique !”). Jérôme est né à Berlin en septembre 1988, d’une mère allemande et d’un père ghanéen. Membre de l’équipe espoirs germanique depuis 2007, il est appelé par le Ghana à disputer la Coupe d’Afrique des nations l’année suivante. Il décline au profit de la Nationalmannschaft. Kevin-Prince est né à Berlin en mars 1987, d’une mère allemande et du même père ghanéen. Régulier des équipes de jeunes Outre-Rhin, il choisit de représenter les Black Stars de son papa en 2009. Jérôme et Kevin-Prince Boateng sont demi-frères, de 2 nationalités sportives différentes et samedi, ils se retrouvaient pour la deuxième fois consécutive en Coupe du monde, la première confrontation avait tourné à l’avantage de Jérôme.
Parce que c’est bientôt le début des soldes, il y avait pour le même prix une autre fratrie concernée : les frangins Ayew. André est l’aîné, volontaire, à l’engagement et l’état d’esprit toujours irréprochables. Jordan est le benjamin, nonchalant au possible, souriant une fois par année bissextile. Évoluant au sein de la même sélection et du même club, leur relation est nettement plus apaisée que celle des Boateng. Y’a juste un truc qui me chagrine : à quel moment tu passes de Kevin-Prince à Jérôme et d’André à Jordan dans le choix du prénom de tes gosses ? C’est quoi l’histoire, t’as eu un moment d’absence quand t’as zappé entre Arte et NRJ12 ?
32’ : Muntari chauffe les gants de Neuer d’un scud des 30 mètres. Le joueur du Milan AC met au travail Manuel qui détourne des poings.
37’ : jeu à 3 entre Khedira, Özil et Götze conclu par une volée de ce dernier. Dauda bloque le cuir et interrompt le threesome.
Mi-temps
51’ : sans pression (hin hin hin), Müller délivre un centre millimétré à destination de Götze qui marque entre 2 défenseurs ghanéens. Au ralenti, on s’aperçoit que le buteur a touché le ballon de la tête puis du genou. Le geste technique de ce Mondial sans discussion. (1-0)
54’ : à peine le temps de souffler, que le ballon est emporté par Afful, qui centre pour André Ayew. La tête décroisée de Dédé est magnifique. (1-1)
Visiblement, jouer sur les terres de Pelé inspire le Marseillais qui signe son deuxième but en autant de matchs. “Je ne suis pas ton père !”
63’ : Muntari intercepte une mauvaise passe de Lahm, trouve Gyan dans la profondeur. Le numéro 3 du Ghana s’en va tranquillement battre Neuer d’un tir croisé dans le petit filet opposé. (1-2)
Il est agaçant Gyan avec sa coupe de cheveux qui mériterait 8 matchs de suspension, sa nonchalance, son individualisme, ses gestes en trop… Mais le voilà à nouveau décisif. Que voulez-vous faire sans ce Gyan-là ?
71’ : corner allemand botté par Kroos. Après une déviation de la tête de Mertesacker, Klose surgit pour pousser de la semelle le ballon dans la cage sans opposition. (2-2)
Le Polonais d’origine le célèbre avec un salto avant pourri dont il juge très mal la course d’élan et la réception. Encore un miro slave…
La rencontre se terminera sur un violent télescopage entre Müller et Boye. Le sang, c’est peut-être le seul truc qui manquait à ces 90 minutes folles…
C’est un résultat un peu cruel pour le Ghana qui s’était procuré une belle balle de break avant de se faire punir. Avec son 15è but en Coupe du monde, Klose rejoint Ronaldo (pas lui, l’autre) tout en haut des tablettes. Il aura encore quelques cartouches pour tenter d’y inscrire son nom seul. On se souvient avec déchirement que c’est contre la Lazio que le joueur brésilien avait subi une grave blessure ; club italien qui n’est autre que celui de son co-recordman allemand. Karma’s a bitch…
Le principe de Peter
L’application de cette loi empirique dans le foot, c’est que lorsque tu es arbitre, tu finiras systématiquement par être chargé d’un match dont l’importance sera inversement proportionnelle à ton niveau. Genre la Coupe du monde si tu ne connais pas la règle du hors-jeu.
C’est le cas du trio de ce Nigéria/Bosnie-Herzégovine qui a d’abord refusé un but valable à Džeko, couvert d’un bon mètre, fermé les yeux sur la faute d’Emenike (ce nom !) avant son centre décisif pour Odemwingie, seul buteur du match et Peter de son prénom. Tiens, tiens…
Ah, au fait, dans les titres sympa qui sentent bon l’été et le Brésil, y’a Já Sei Namorar des Tribalistas. Je vais me le réécouter pour la 2454è fois pour la peine. Tu viens, on danse ?
À tantão…
