Cahier de Mondial – Entrée #9 : “Vol au-dessus d’un nid de coucou”

Dimanche 20 juin 2010. Franck Ribéry fait irruption sur le plateau ponctuellement délocalisé de Téléfoot en chaussettes et claquettes, les yeux embués, des trémolos plein la voix, l’allure oscillante du môme traqueur qui déclame des vers devant ses camarades goguenards : “Bonjour, bonjour tout le monde. Je suis venu parce que c’est vrai que depuis 2/3 jours, on passe vraiment un moment très difficile pour les joueurs, pour notre pays, pour tout le monde et c’est vrai que, moi le premier avec tout le groupe et tout le monde, on est en train de souffrir de ce qui se passe en ce moment et surtout ce qu’on peut entendre de tout, de l’extérieur. […] Ça a explosé, bien sûr que ça a explosé ! Comme je dis, on est en train de souffrir. On est en train de souffrir et y’a pas que nous, c’est la France qui est en train de souffrir, c’est notre pays et je vous dis honnêtement, je suis en train de parler, c’est mon cœur qui parle et je vous dis honnêtement, je suis en train de souffrir. […] Et là, on est en train de rentrer dans un truc, tout le monde sont en train de se foutre de nous, c’est-à-dire dans le monde et là on dit trop de choses à l’extérieur. […] Là, on est dans une situation, il reste encore un match et faut faire honneur à l’équipe de France, à notre pays, il faut gagner ce match. Et voilà, après, on verra qu’est-ce qui se passera, mais c’est important de jouer ce match sérieusement parce que là, on est en train de faire n’importe quoi, je vous dis honnêtement. […] Je viens, j’essaie de faire mon football, j’suis l’premier à être déçu et l’premier à être dégoûté et je demande pardon à toute notre pays surtout à tous les Français de pas avoir fait vraiment une Coupe du monde comme ils le souhaitaient et voilà, je demande à m’excuser envers tout le monde.” La scène est surréaliste : debout aux côtés d’un Raymond Domenech apathique qui ne soufflera mot durant toute la durée de son discours, le milieu offensif des Bleus va jusqu’à s’y référer à la troisième personne, comme s’il était absent. David Astorga – qui supplée CJP – ose même un trait d’humour que personne ne relève tant l’atmosphère est délétère : “En plus, c’est dangereux !” ajoute-t-il juste après que le joueur du Bayern eut démenti s’être battu avec Yoann Gourcuff à bord d’un avion. La suite, c’est probablement l’épisode le plus sombre de l’histoire de cette équipe de France de football. Quelques heures après ce témoignage à vif, les joueurs décident de se mettre en grève, refusant de descendre du bus pour aller s’entrainer. Le sélectionneur s’inflige une humiliation en venant étaler leurs doléances devant la presse, Robert Duverne – le préparateur physique – balance son chrono de rage, les Bleus s’inclinent minablement face à l’Afrique du Sud lors du dernier match de poule et Nicolas Anelka, exclu du groupe, se prend pour l’Empereur Palpatine avec son hoodie à capuche noire à l’aéroport de Londres… Avant le début de ce Mondial brésilien, l’ancien équipementier de la FFF avait effectué une opération promotionnelle dans une décharge consistant en la destruction d’une réplique du fameux bus, histoire de conjurer le sort. La vérité, c’est que ce fardeau, les Bleus s’en sont délestés de la plus belle des manières en pulvérisant la Suisse. Et à la date-anniversaire du “fiasco” de Knysna pour la licence poétique…

Suisse_France_20062014

Non, on n’en oublie pas pour autant les autres matchs de ce vendredi 20 juin 2014, simplement, vous avez vu la taille de ce paragraphe introductif ?! En fin d’après-midi, l’Italie défiait le Costa Rica, équipe surprise de la journée inaugurale du groupe D, avant que le Honduras et l’Équateur ne se disputent les premiers points de leur parcours brésilien.

Where is Bryan?

Hier, lorsque l’Angleterre a quitté le terrain battue par l’Uruguay, elle n’était pas encore éliminée mathématiquement. En sursis, ses espoirs étaient placés sous respiration artificielle, suspendus à une victoire de l’Italie le lendemain, seul résultat leur permettant de rêver encore. Mario Balotelli s’était même fendu d’un tweet réclamant un baiser de la Reine en cas de succès transalpin – sur la joue, évidemment. L’incident diplomatique qu’on sentait poindre n’aura pas lieu, le patient anglais ne survivra pas au-delà de ces 90 minutes, ces salauds de Ritals ayant débranché la prise…

En première période, Super Mario va bouffer la feuille à 2 reprises (31’, 33’). Sur un lob mal ajusté d’abord, qu’il croise trop, après avoir été servi par le hipster le plus classe du monde, Andrea Pirlo. Puis sur un ballon qu’il aurait pu (dû ?) mieux exploiter à l’entrée de la surface. Vous vous souvenez des chaussures Kickers avec le point vert sous le pied droit et le rouge sous le gauche ? L’équipementier de l’attaquant du Milan AC a été plus loin avec une couleur pour chaque pied, sûrement plus facile à enfiler qu’une chasuble

Comme le veut l’adage PMU : “quand ça rentre pas d’un côté, ça rentre de l’autre !” N’empêche qu’il se vérifie régulièrement et ce match ne dérogera pas à la règle (avec un paquet de guillemets, la démonstration théorique attend toujours la fin de l’happy hour). Juste avant le repos, Junior Diaz adresse une merveille de centre au second poteau pour Bryan Ruiz qui profite du marquage laxiste pour catapulter le cuir sous la barre de Gigi Buffon (0-1, 44’). Dis, Giorgio Chiellini, where is Bryan? Dans ton dos en train de claquer un but peinard ! Ne me remercie pas. Les Italiens et l’anglais, ça a toujours fait 2 de toute façon… On fera tout de même appel à la Goal-Line technology pour s’assurer de la validité du pion. On aurait eu bien meilleur temps d’utiliser ce gadget pour savoir si l’équipe d’Italie était bien entrée sur le terrain cet après-midi-là…

À l’issue du tirage au sort, on a eu tôt fait d’estampiller ce groupe D “groupe de la mort”. Un jour, on arrêtera avec ces lieux communs éculés (j’ai vérifié scrupuleusement, depuis la première Coupe du monde en 1930, la Mort n’est JAMAIS sortie de son groupe), mais pas là : 3 anciens vainqueurs, 7 trophées, on souhaitait bien du plaisir aux Ticos. Après 2 journées, l’Angleterre est déjà au tapis et les 6 autres bibelots vacillent. Seuls en tête, déjà qualifiés, les outsiders se marrent du sale coup qu’ils viennent de jouer aux historiques. Le Costa Rica Lewis ne perd jamais…

Le Cahuzacico

La mémoire en football, c’est un peu comme l’intégrité en politique. Quel plus beau symbole de ce Suisse/France que Jérôme Cahuzac ! Accusé de détenir un compte en Suisse, l’alors ministre du budget s’en défend devant l’Assemblée Nationale début décembre 2012 : “Je démens catégoriquement les allégations contenues sur le site Mediapart. Je n’ai pas, monsieur le Député, je n’ai jamais eu de compte à l’étranger, ni maintenant, ni avant. Je démens donc ces accusations et j’ai saisi la Justice d’une plainte en diffamation car ça n’est que devant la Justice, hélas, que les accusateurs doivent prouver la réalité des allégations qu’ils avancent. Et c’est donc devant la justice que je m’expliquerai devant ces contradicteurs en attendant d’eux des éléments probants qui, à ce jour, font manifestement défaut. Merci, monsieur le Député, de m’avoir permis de le dire devant la représentation nationale.” pour se rétracter 4 mois plus tard et formuler de penauds aveux sur son blog.

Tu sais quoi, Jérôme ? C’est pas grave, un oubli est si vite arrivé, a fortiori lorsque l’on parle de 600 000€. C’est vrai, quoi… Et puis depuis ce soir, tu n’es pas le seul Français fortuné à avoir fait de gros dépôts en Suisse. Par bonheur, la confédération helvétique défend son secret bancaire avec beaucoup plus de rigueur que sa cage.

0’ : visiblement, la sono de Salvador fonctionne mieux que celle de Porto Alegre. On a donc le droit à notre première Marseillaise ! Ça ôtera peut-être aux gens de L’Équipe l’envie de retitrer “KARHYMNE À LA JOIE”. On vous voit, les mecs…

17’ : corner de Valbuena pour Gignac qui dévisse… Ah non, pardon, je me suis trompé de match. Petit Vélo trouve la tête de Giroud qui s’élève tranquillement pour aller déposer le ballon hors de portée du gardien qui ne peut que l’effleurer. (0-1)

C’est le 100è but de l’équipe de France en Coupe du monde, celui qui permet de déverrouiller le coffre-fort suisse. Métaphore filée en approche…

18’ : sur l’engagement, Benzema intercepte une passe en retrait et décale parfaitement Matuidi qui marque d’un tir du gauche premier poteau, copie conforme de son but face à la Jamaïque. Propre. (0-2)

Les Suisses sont sonnés. Encaisser deux buts coup sur coup de cette manière, c’est comme se choper les agios alors qu’on est déjà à découvert…

30’ : double parade d’Hugo Lloris ! Les poings sur une frappe lointaine de Mehmedi puis le bout des gants devant Shaqiri (Tsamina mina eh eh, Wiqi Wiqi, eh eh).

31’ : Djourou déséquilibre Benzema dans la surface de réparation, l’arbitre indique le point de penalty ! On se dit que ça y est, avec le Djourou, tout a basculé…

32’ : Karim veut se faire justice lui-même, mais son tir est repoussé par Benaglio… sur Cabaye qui dégaine le premier : sa reprise face au but vide ne trouve que la barre transversale.

C’est le premier penalty non transformé par les Bleus en Coupe du monde. C’est encore à cause de Samir Nasri, ça…

40’ : corner obtenu par la Suisse. Le ballon voyage jusqu’au second poteau où il atterrit dans les pieds de Karim Benzema. Le Madrilène trouve son coéquipier Varane en appui, lequel adresse une superbe passe en profondeur à Olivier Giroud côté gauche. Le Gunner a vu Valbuena au second poteau qu’il sert idéalement. La cheville droite ne tremble pas. (0-3)

Un bel échange de politesses entre Giroud et Valbuena qui se sont mutuellement offert les premier et troisième buts. On est à 5 minutes de la pause et les Français ont déjà fait sauter la banque ! (Je vous avais prévenus…)

La mi-temps intervient, j’ai passé la dernière demi-heure debout devant l’écran. Oui, je sais, ça n’aide pas (plus) les joueurs.

63’ : Pogba remplace Giroud qui a livré un match plein avec de très bons appels (non surtaxés).

66’ : Sakho, touché, doit quitter ses partenaires. Keep calm and Loïc Perrin! m’entends-je soupirer. Au temps pour moi, c’est Koscielny qui fait son apparition. Un remplacement normal…

67’ : à force de jouer avec Pirlo, l’habile Pogba régale : son sublime extérieur du droit en profondeur trouve Benzema qui profite du raté de Senderos et du portier qui ouvre les jambes, pour écarter les Suisses. (0-4)

73’ : le festival continue et c’est Moussa Sissoko qui y va de son pion. Matuidi passe à Benzema qui décale l’ancien Toulousain sur sa droite. En pleine course, le milieu de terrain ajuste un intérieur du droit tout mignon dans le petit filet. (0-5)

81’ : le mur Bleu, qui rappelle les plus sombres heures du BTP, se désagrège et laisse filer la frappe de Džemaili qui trompe Lloris. (1-5)

Une volée puis un relâchement, c’est le scénario inversé de tous les matchs disputés par le gardien de Tottenham cette saison.

87’ : Xhaka (je ne sais pas comment ça se prononce, si on vous demande, vous direz que vous ne savez pas…) profite d’un moment d’inattention de la défense pour reprendre de volée une belle ouverture d’Inler. Koscielny, qui a relâché la pression, poursuit sa mise en bière… (2-5)

90’+ : l’arbitre siffle un poil prématurément la fin des (d)ébats et envoie le bijou de Benzema – marqué dans le temps additionnel – rejoindre, au panthéon des buts de légende non-accordés, celui de Dugarry contre Feyenoord. Salaud.

Après le match, le vent a commencé à tourner. Les girouettes étaient de sortie, comme à leur habitude. Et les experts de t’expliquer que, finalement, elle a quelque chose cette équipe. On va rester prudents, on sait pertinemment que la routourne peut tourner bien plus rapidement que la morale de Cahuzac. Juste envie de profiter de cette belle soirée et, à défaut de s’infliger la vanne classique “Helvète Underground”, se dire que ce 20 juin 2014 n’était pas loin d’être un perfect day…

Enner V.

Après une telle émotion, la dernière rencontre présentait mécaniquement moins d’intérêt, sans faire injure à qui que ce soit. Je l’ai tout de même suivie, un œil sur la TV, l’autre sur un Cahier de mondial que je rédigeais. Le Honduras a ouvert le score par Costly (un nom à jouer en Suisse), bien lancé, qui s’en va fusiller Dominguez du gauche après une mauvaise appréciation de son vis-à-vis. (1-0, 31’).  Valencia (toujours pas lui, l’autre) lui répondra en se jetant du pied gauche (1-1, 34’) avant d’inscrire le but victorieux d’une tête piquée à la réception d’un coup-franc (1-2, 65’). Ce Valencia s’est permis le luxe de planter tous les buts de sa sélection équatorienne jusqu’à présent. Ceci est un message à caractère informatif à destination de Loïc Perr… Laurent Koscielny. Putain, va bien falloir s’y faire. Désolé, Marion…

À tantão…

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