Cahier de Mondial – Entrée #32 : “Der Himmel über Rio”

And now ladies and gentlemen, the moment you’ve all been waiting for… 13 juillet 2014, jour de finale ! On a trépigné toute la semaine en hurlant “vivement dimanche !”, pire que des groupies vivantes de Michel Drucker. Avec une sacrée dose de masochisme, il faut l’avouer. Premièrement parce qu’à moins que ton pays ne soit engagé, la finale est rarement un moment mémorable, deuxièmement (et dernièrement) parce que ce sont par définition les derniers instants d’un fort joli Mondial dont on aurait aimé profiter encore quelques temps. Mais ce n’est pas possible : demain, c’est lundi, c’est nostalgie… C’est le 14 juillet aussi, jour où Léo Ferré a cassé sa pipe ; une belle stat pour un anarchiste. Avec le temps, avec le temps va tout s’en va, on oublie le visage, et l’on oublie la voix annonçait-il dès les premières mesures de sa poignante complainte. Ce n’est pas toujours le cas, il y a celles qui restent, celles qui ont tellement résonné que leur écho semble capturé dans une boucle infinie. Je pense aux 2 Thierry : Gilardi et Roland, qui ont bercé notre enfance puis notre jeunesse de leur voix devenue la bande originale de notre passion. À 8 ans d’intervalle, ils avaient eu des mots inoubliables lors de 2 finales de Coupe du monde (on y revient). Le bonheur teinté d’incrédulité du complice de Jean-Mimi en 98 : “L’équipe de France est championne du monde ! Vous le croyez, ça ? L’équipe de France est championne du monde en battant le Brésil 3-0 : 2 buts de Zidane, un but de Petit. Je crois qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin, le plus tard possible, mais on peut ! C’est superbe ! Quel pied ! Ah, quel pied ! Oh, putain ! Oh la la la la ! Oh ! Oh, c’est pas vrai ! Ah, c’est pas vrai !” Et en 2006, la tirade de Gilardi déclamée à chaud et d’une justesse confondante qui file encore les poils : “Ouuuh, Zinedine ! Oh, Zinedine ! Pas ça, pas ça, Zinedine, pas ça, Zinedine, oh non, oh non, pas ça, pas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait. Aïe aïe aïe aïe aïe ! Oh non, Zinedine !” Alors oui, Thierry Roland était légèrement “conservateur” sur les bords (sans doute au milieu également), mais quand même, c’était le bon vieux temps de la fringante ligne droite de Longchamp, du café-crème, de l’avalement de trompette et des Coréens qui se ressemblent. Symbole d’une époque, aujourd’hui, il faut se farcir l’exaspérant CJP, le germanophile éperdu Liza et le sporadique Arsène Wenger pour ceux qui n’ont pas accès aux autres chaines. Ailleurs, c’est un poil mieux avec l’inamovible Grégoire Margotton notamment et Omar da Fonseca – révélation de la compétition – qui a apporté pas mal de couleur dans le micro avec sa gouaille d’Audiard sud-américain. Malgré tout, on ne peut que regretter ces deux mecs qui partageaient le même prénom et cette capacité à nous faire vivre à fond jusqu’au plus ennuyeux des matchs. Le jour d’un grand classique tel qu’Allemagne/Argentine, on aurait voulu entendre une dernière fois les clichés sur la rigueur teutonne de Roro et les envolées lyriques de Gigi sur les arabesques de Messi. Que nenni ! Le dimanche soir aussi, la tendresse s’en va toute seule…

ALLEMAGNE 1-0 ARGENTINE / GÖTZE 113’

Allemagne_Argentine_13072014

Ernő Rubik est hongrois, architecte et professeur de design. Il y a 40 ans, il a inventé un petit objet cubique auquel il a prêté son patronyme. Il est né un 13 juillet 1944, ce qui fait de lui un septuagénaire depuis aujourd’hui. S’il n’y a pas eu corruption comme s’en défend la FIFA, le cerveau responsable de la création du Rubik’s Cube doit être une des rares personnes à pouvoir nous expliquer comment on a pu attribuer l’organisation d’une Coupe du monde à un pays dont les températures estivales dépassent allègrement les 40°. Et aussi pourquoi l’organisme dirigé par le modèle de vertu qu’est Sepp Blatter a décerné le Ballon d’Or de meilleur joueur de la CDM 2014 à Lionel Messi.

C’est la troisième fois que l’Allemagne et l’Argentine se retrouvent en finale du Mondial. Techniquement, c’était plutôt la RFA, mais faisons comme ma prof d’université qui nous avait projeté circa 2006 des transparents sur lesquels l’Allemagne n’était pas encore réunifiée. Le bilan est d’une victoire partout : l’Argentine s’est imposée 3-2 en 86, la RFA 1-0 en 90. La levée 2014 allait donc faire office de juge de paix, ce qu’il est convenu d’appeler la belle. Avec des brouettes de guillemets vu la qualité du spectacle…

Ça avait plutôt mal commencé pour la sélection européenne avec la blessure de Sami Khedira – pion important du milieu de terrain – dès l’échauffement. À peine le temps de lancer une campagne de solidarité que Christoph Kramer le remplaçait au pied levé, sans souci du Khedirathon…

21è : Toni Kroos a les fils qui se touchent et manque sa tête en retrait. Le futur néo-madrilène trouve involontairement l’ancien Merengue Higuaín qui ne profite pas de l’offrande en croisant trop sa frappe, visiblement surpris. Ce n’est pas encore là qu’on le verra au travail, Manuel. De toute façon, il avait évidemment jugé la trajectoire dès le départ.

30è : Messi décale habilement Lavezzi sur le côté droit. De l’angle de la surface de réparation, le Parisien adresse un centre au cordeau à Gonzalo Higuaín qui marque d’un intérieur du pied gauche dans le petit filet. La joie du buteur est démonstrative, il semble même parti pour un tour de stade. Ce qui n’émeut pas le moins du monde le juge de ligne qui a levé son drapeau depuis une vingtaine de minutes au moment où l’Argentin réalise. Il lève alors le bras lui aussi dans un geste d’humeur sans équivoque pas du tout destiné à signaler une position illicite.

31è : étourdi par un contact survenu peu après le quart d’heure de jeu, Kramer doit quitter ses partenaires au profit de Schürrle. Vous connaissez l’histoire du remplaçant remplacé ? Je l’aurais bien vu se blesser tout seul, moi. Genre Kramer contre Kramer…

45è+ : le corner sortant de Kroos trouve Höwedes qui exécute une détente de tortue recroquevillée pour trouver de la tête le poteau à bout portant. Scotché sur sa ligne, Romero s’est fait peur. D’habitude, c’est l’inverse.

La première mi-temps s’achève sur un score nul et vierge. Les Allemands viennent de réussir la mi-temps inverse de celle de la 1/2 face au Brésil. Au moins, ça leur évite de devoir se soucier du planning de leur WAG.

47è : servi par un bel extérieur de Biglia, Messi croise trop sa frappe qui passe à quelques centimètres de la cage de Neuer qui avait évidemment jugé la trajectoire dès le départ. Si l’on pouvait éviter de le déranger pendant sa sieste d’ailleurs…

56è : fallait pas l’énerver, Manuel ! Sur un ballon en profondeur, le gardien du Bayern quitte promptement sa cage pour aller boxer le cuir et saluer amicalement la nuque d’Higuaín de son genou droit. L’attaquant de Naples rend 10 cm, 20 kg et la balle à son adversaire puisque l’arbitre siffle en faveur des Allemands. Pipita a dû voir la vie de Patrick Battiston défiler devant ses yeux…

88è : Götze supplée Klose – qui en restera donc à 16 buts en CDM. La moyenne de la Mannschaft perd 10 ans et 50 centimètres.

La seconde mi-temps s’achève sur un score nul et vierge. Si Thierry Roland était là, il dirait qu’il y a de bons et de mauvais 0-0, difficile de classer celui-ci qui tient tout de même en haleine du fait de l’enjeu suprême. 30 minutes de bonheur supplémentaires. Joie…

97è : à la réception d’un centre qui trompe un Hummels décidément mal luné, Palacio effectue un contrôle un peu long de la poitrine et tente un lob de près qui passe à côté des buts de Neuer qui avait évidemment jugé la trajectoire dès le départ. Vous avez déjà vu la coupe de cheveux de Rodrigo Palacio ? Tapez son nom dans Google images si ce n’est pas le cas. Au bas mot, c’est 50 ans de réclusion par la fashion police, ça...

113è : ce n’est pas parce qu’on est un compatriote de l’inspecteur Derrick qu’on est immunisé à l’ennui. Schürrle, qui trouve que ça commence à bien faire, prend les choses en main et accélère côté gauche. Son centre au cœur de la surface trouve Götze qui enchaine amorti poitrine puis volée du gauche le plus tranquillement du monde. Ah oui, au fait, ça fait but. GÖTZILLA ! (1-0)

Le joueur du Bayern a inscrit 2 buts dans cette Coupe du monde, à chaque fois après une double touche : tête-genou contre le Ghana et poitrine-pied en finale. C’est moins drôle, mais tellement important…

Il ne se passera plus grand chose si ce n’est un coup franc à l’ultime minute que Messi expédiera dans le ciel carioca. Il redescendra probablement sur la frontière tripartite d’ici une quinzaine de jours.

L’Allemagne est championne du monde ! Après avoir vu ça… Ah non, pardon. C’est la quatrième étoile pour nos voisins : 1954, 1974, 1990, 2014. 94 au lieu de 90 et ça faisait une jolie série de titres espacés de 20 ans tout pile… Pas sûr que ça les empêche de dormir, ils avaient l’air assez heureux au moment de soulever le trophée remis par une Dilma Rousseff tirant une tronche de trois fois la taille de Mertesacker. Le tout sous le regard d’Argentins sonnés, restés debout au pied de la tribune officielle. L’image de cette fin de match, au-delà de la garden party improvisée par les Allemands avec leur famille, c’est sans doute ce plan d’un Lionel Messi les yeux dans le vague. L’histoire ne dit pas si c’est à cause de la déception ou s’il essayait juste d’épeler mentalement Schweinsteiger à l’envers…

À tantão…

2 thoughts on “Cahier de Mondial – Entrée #32 : “Der Himmel über Rio””

  1. j'avoue ne pas parvenir à regretter les commentaires un chouïa machistes de Thierry Roland. j'ai suivi cette coupe du monde sur les chaînes allemandes, en compagnie de Mehmet Scholl et d'Oliver Kahn pour les analyses d'avant et d'après match. sur les chaînes allemandes les matchs sont commentés par une seule personne et ça, ça a été un bonheur pour mes oreilles !
    Sophie, la supportrice française de la Mannschaft !

  2. C'est le mot : un chouïa ! Je ne maîtrise pas toutes les subtilités de la langue de Tokio Hotel auquel cas, j'aurais pu envisager de t'imiter. Je me demande si les envolées sont à la hauteur de celles de Trapattoni lors de sa mythique conférence de presse que je te conseille si tu ne connais pas. Les joueurs de la belle époque du Bayern que tu cites m'y ont fait songer...

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