Carnet d’Euro – Entrée #3 : “Arkadiusz ex machina…”

D’aucuns se souviennent qu’avant de devenir consultant-tant flingueur sur la chaîne cryptée, Christophe Dugarry fut un joueur de football dont la carrière connut des fortunes diverses. Façon polie de dire qu’en 17 saisons, l’ancien attaquant n’a jamais terminé un exercice domestique avec un nombre de pions à 2 chiffres. Sa maladresse chronique lui valut le surnom inspiré de “Dugachis”, les railleries du public, le mépris de la presse et l’incompréhension générale lors de l’annonce de sa sélection parmi les 22 Bleus retenus par Aimé Jacquet. Si vous n’avez jamais vu Dugarry sur un terrain, imaginez Christine & the Queens sans la musique, sans le chuchotement de sa liste de courses, mais avec les crises de spasmes en moins violent (comme si C&TQ avait le bide blindé à cause d’une overdose de quinoa). Un échalas dégingandé… Longtemps, le grand public et les journalistes ont fait des gorges chaudes de ses approximations techniques, oubliant que le garçon disposait lui aussi d’une aptitude pour le moins singulière : débloquer les matchs d’ouverture des grandes compétitions internationales. Ce fut le cas à l’Euro 96, ce le fut également lors du France-Afrique du Sud de Marseille, entrée en lice de l’équipe de France dans son Mondial, le 12 juin 1998. À la 35è, Liza combine avec Zizou  côté gauche. Le centre du numéro 10 est contré : corner. Le joueur de la Juventus s’en charge et trouve la tête de son pote Duga, qui profite de la clémence de la défense des Bafana Bafana pour ouvrir la marque. Poteau rentrant. Tout à sa joie, le numéro 21 exécute une chorégraphie ridicule en tirant la langue dans un geste revanchard adressé à la tribune de presse. Et puisque l’on évoque les histoires de langue, c’est aussi un 12 juin – 1972 – que le documentaire d’anatomie créative Gorge profonde fit sa sortie sur les écrans. 44 ans plus tard, on avait donc hâte de retrouver 6 nouvelles équipes : la Turquie la Croatie, l’Irlande du Nord, l’Ukraine, le champion du monde en titre allemand et… la Pologne. Car en Pologne, on aime le jeu léché. Surtout à Poznań…

 

Turquie_Croatie_12062016

TURQUIE 0-1 CROATIE / MODRIĆ 41’

My name is Luka
I live on the second floor
I live upstairs from you
Yes I think you've seen me before

L’incipit de la chanson de Suzanne Vega (aucun lien avec Vincent, elle est fille unique. En vrai, j’en sais rien, c’était juste pour la vanne…) pourrait faire office de note d’intention adressé au monde du football, tant Luka Modrić évolue un étage au-dessus du tout-venant. Son toucher de balle est un régal, ses passes de l’extérieur, un délice. Celui qui a été transféré au Real pour la modrique somme de 40 M€ en comptant les bonus est une formidable raison d’être heureux !

Auteur d’une grosse saison avec le club merengue, couronnée par la onzième C1 de l’histoire madrilène, on l’attendait sans doute un peu fatigué (il a un petit corps, Luka). Ça ne l’a pas empêché de livrer un superbe match, récompensé par l’ouverture du score peu avant la mi-temps. Luka est aussi bon cuit que cru, qui l’eût cru ? L’effet maillot Lustucru. Le centre d’Ivan Rakitić est renvoyé avec difficulté par l’arrière-garde turque plein axe. Modrić arme sa reprise qui finit sous les gants de Volkan, qui manque d’explosivité. (0-1)

Les Croates ont bien tenté d’enfoncer le clou mais Srna sur coup-franc, puis Perišić de la tête, admirablement servi par Mandžukić, ont touché du bois. Par 2 fois, la barre transversale est venue mettre en échec les joueurs de la formation au damier.

Croatie > Nuit Debout.

 

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POLOGNE 1-0 IRLANDE DU NORD / MILIK 51’

Sur le papier, c’était l’une des affiches les plus déséquilibrées de ce premier tour de compétition entre le leprechaun (c’est comme le Petit Poucet, mais en gaélique) nord-irlandais et les coéquipiers de Robert Lewandowski. D’autant que l’avant-centre du Bayern a démontré cette saison qu’il lui fallait moins de temps pour inscrire un quintuplé qu’à un quidam pour écrire le nom de n’importe lequel de ses compatriotes sans se tromper. Ça ne semble pas effrayer outre mesure le peuple vert, fort de son hymne “Will Grigg’s on fire” entonné dans les rues niçoises et déjà meilleure chanson de l’Euro. Puis bon, tant que les noms propres ne sont pas autorisés au Scrabble, ça fait surtout peur aux commentateurs, la Pologne…

Si comme moi vous vous demandiez qui mange les réglisses dans les paquets Haribo, sachez que ce sont les supporters polonais, qui scandent “Polska, Polska, Polska” depuis les tribunes.

À la mi-temps, le score est toujours nul et vierge, et vu les statistiques, on se demande encore comment : 10 tirs à 0, 7 corners à 0, 63% contre 37 de possession de balle et 238 passes réussies à 106. Il avait des origines nord-irlandaises aussi, Jean-Paul II ?

C’est finalement Milik qui va débloquer la situation peu de temps après le retour des vestiaires : bien servi par Jakub “passe décisive compte triple” Błaszczykowski (j’ai fait un copier-coller, oui) à l’entrée de la surface, le buteur de l’Ajax réalise un enchaînement contrôle-frappe du pied gauche avec beaucoup de maîtrise. McGovern ne peut qu’effleurer le ballon. (1-0)

Quelque chose comme un mois avant que Lewandowski ne martyrise la défense de Leverkusen en lui passant les 5 pions susmentionnés en 9 minutes, on parlait avec insistance d’un intérêt pour Milik de la part de l’OM. Intérêt qui ne déboucha sur rien de concret, si ce n’est une n-ième rumeur de transfert. Got Milik? Bah non…

 

Allemagne_Ukraine_12062016

ALLEMAGNE 2-0 UKRAINE / MUSTAFI 19’, SCHWEINSTEIGER 90+2’

Devant le peu d’intérêt que présentent les gestes disgracieux de Yoarim Leuve (Joachim Löw dans la langue de Jean-Charles Sabattier), je dirais simplement que je m’en lave les mains. Et qu’il devrait en faire autant. Oublié le pull bleu cobalt, oubliée la chemise blanche cintrée à la Hervé Fuchs ; le Löw 2016, c’est t-shirt gris avec auréoles et mains dans le slip. Deutsche qualität.

Vous savez comment on dit centre en anglais ? Cross. En phonétique – et dans la langue de Jean-Charles Sabattier –, ça donne Kroos. Pas étonnant donc que le milieu du Real trouve la tête de Shkodran Mustafi, qui elle-même envoie le ballon dans la lunette ukrainienne. L’axe Madrid-Valence. (1-0)

On pressent le début d’un récital allemand, d’un festival de Kahn. Las, c’est un festival de Neuer, qui détourne d’une claquette la puissante tête de Khacheridi quelques minutes avant la demi-heure. L’Ukraine joue crânement sa chance. Tête, crânement, vous l’avez ?

10 minutes plus tard, Jérôme Boateng réalise l’action du match en détournant vers son but un centre ukrainien puis en réalisant in extremis un sauvetage acrobatique stupéfiant pour éviter le CSC. C’est une allégorie de l’équipe d’Allemagne qui ne semble avoir d’adversaire qu’elle-même. On constatera avec bonheur que la greffe de rein du défenseur bavarois a bien pris après sa participation à Danse avec la star du Camp Nou.

Dans les arrêts de jeu de la partie, Schweinsteiger doublera la mise sur une offrande d’Özil. L’axe Londres-Manchester. (2-0)

Le football est un jeu simple blablabla et à la fin blablabla…

Pour en revenir à Dugarry, on aurait pu penser qu’avec sa carte de visite, il se serait mué en un consultant clément avec les joueurs, faisant preuve de mansuétude et de réserve. Raté, c’est tout l’inverse. Pour bien comprendre la situation, imaginons une analogie : c’est un peu, je sais pas, moi, un peu comme si le fondateur de Reporters sans frontières devenait un gros facho, quoi. N’importe quoi…

À tantôt…

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