Carnet d’Euro – Entrée #1 : “Dragostea din tei, motherfucker!”

Voilà, c’est parti ! Après 4 (trop) longues années d’attente, David Guetta et Zara Larsson, flanqués de la MJC de Saint-Denis mobilisée pour l’occasion, ont donné, le 10 juin 2016, le coup d’envoi officiel de la XVè édition du Championnat d’Europe des Nations. De football, oui. Un indigent spectacle de fin d’année, un match sous haute tension, un début de rencontre catastrophique sont venus gâcher la fête et quelque peu doucher l’enthousiasme des passionnés. Perso, ça m’a surtout donné l’idée de cette chronique dans laquelle je viendrai vous raconter mon Euro à moi. Pendant 31 jours, vous allez voir avec mes yeux, quoi. Je vous préviens, je suis myope…
Ça vous rappelle quelque chose ? C’est en effet par ces mots – toutes variations locales égales par ailleurs – que j’avais introduit mon carnet de mondial il y a 2 ans. Ce n’est pas tant un manque d’inspiration que la volonté de souligner ce bégaiement qui frappe parfois l’Histoire en général et celle du ballon rond en particulier. Il y a 20 ans jour pour jour, le 10 juin 1996, l’équipe de France démarrait son Euro anglais face… à la Roumanie, à Saint James’ Park. À la 24è minute, Youri Djorkaeff intercepte un mauvais dégagement roumain, résiste à un adversaire, lève la tête et adresse un long centre repris de l’arrière du crâne par Christophe Dugarry. Bogdan Stelea, qui a visiblement confondu Newcastle et Liverpool pour les Strawberry Fields, est battu. Un centre du maître à jouer (Zizou n’est pas encore juventino) repris par un attaquant décrié dont le jeu de tête est considéré comme le principal atout : ça vous rappelle quelque chose ? La comparaison s’arrête là : en juin 96, Zara Larsson n’était pas née ! Même pas en projet dans l’esprit de ses parents. Il faut croire que malgré le prénom de sa fille, sa mère n’était pas encore prête à porter… N’Golo Kanté, en revanche, avait 5 ans et son père devait déjà lutter pour lui piquer le ballon. Son boulot monstrueux a permis aux Bleus de garder le cap jusqu’à l’éclair de génie venu tout droit de la Réunion. Et pourtant, les réunions, c’est le truc qui gonfle par excellence. Surtout le vendredi…

France_Roumanie_10062016

Pour en finir avec les vannes géographiques, notons que le 10 juin est férié en Guyane, il commémore la proclamation de l’abolition de l’esclavage (1848). Vous imaginez si cela avait également été le cas pour le département suivant dans l’ordre de numérotation ? Au rayon célébration de trucs joyeux, c’est aussi la date du massacre d’Oradour-sur-Glane (1944). 642 âmes. Bon, à la base, c’était pas vraiment le but de faire pleurer dans les chaumières, sinon, on aurait d’entrée parlé du match de Matuidi…

“ – À ton avis, combien tu penses qu’il y aura demain pour France-Roumanie ? Un score ?
–  J’ai pas compris !
–  HA HA HA ! Mais évidemment qu’ils vont gagner, les Bleus, on est tous derrière !
 

Grâce aux propositions populistes humanistes de Michel Platini, ancien numéro vice de l’équipe de France, l’Euro se disputera à 24 nations pour la première fois de son histoire. Cela signifie qu’il faudra claquer l’équivalent d’un SMIC pour compléter l’album Panini officiel de la compétition. Déjà. Et qui dit 24 nations, dit 51 matchs, dont seulement 22 retransmis par TF1. C’est sans doute pour cela que la chaîne a mis le paquet en programmant la veille du match d’ouverture 2 concerts événementiels : UEFA Euro 2016 : Le Grand Show d’ouverture suivi du Grand Show de David Guetta en direct du Champ-de-Mars. Paie ton temps de cerveau disponible ! Dans l’esprit, c’est pas con, de faire venir un platiniste pour donner le coup d’envoi d’un tournoi de foot. D’autant plus que c’est probablement le seul à disposer d’une telle aura internationale aujourd’hui. Y’avait bien les Daft Punk, mais il aurait fallu casquer… David Guetta pour essuyer les platines (c’est comme essuyer les plâtres, mais avec les mains en l’air pour montrer que tu t’éclates), et Alessandra Sublet qui patine. La sublime Alessandra en a encore pris plein sa jolie tronche après un nouveau festival de maladresses. Coup dur pour l’animatrice, qui a quitté France 2 et Un soir à la tour Eiffel pour TF1, en quête de nouvelles aventures… le soir… à la Tour Eiffel.

Le Grand Show (d’ouverture) a jeté un grand froid parmi les (télé)spectateurs, la faute à will.i.am – présenté en vedette américaine comme si les programmateurs étaient bloqués en 2009 –, qui a chanté tellement faux qu’il y a fort à parier que même la clé USB de David Guetta a eu envie de se débrancher de son port sans s’être éjectée au préalable. Slimane, Amir, Kendji et Louane étaient de la partie. Ah bon, ils n’ont pas de nom de famille ? Christophe Maé, Florent Pagny, Soprano, Madcon, Julian Perretta et Zara Larsson complétaient le casting d’une soirée qui ressembla fort à une partie de Scrabble avec uniquement des W.

J’ai eu la flemme de guetter Guetta, alors je suis allé me coucher, histoire de ne pas faire de mauvais rêve pendant mon dernier dodo avant l’Euro.

“We're in this together. Hear our hearts beat together. We stand strong together. We're in this forever. This one's for you. This one's for you.”

Non, ces mots ne sont pas issus d’un manuel scientologue. Pas non plus d’une chanson de Coldplay : il s’agit des paroles du refrain de This one’s for you, l’hymne officiel de cet Euro 2016, composé par David Guetta. En vrai, ils se sont mis à 5 (!) pour pondre ce titre et ce n’est même pas une vanne. Puisqu’on en est au confidences, c’est plus this one’s for youuuuuuuuuu, ritournelle bien connue des jolies blondes ces derniers temps…

Je vous aurais volontiers épargné l’exégèse de la cérémonie d’ouverture, si je n’étais pas si dépensier. Sachez que la pelouse avait été recouverte d’un sticker censé représenter les parterres d’un jardin à la française. En son centre trônait un carrousel hexagonal. On a vu défiler des filles vêtues de barbes à papa (la confiserie, pas des hipsters) roses… bonbon, des clones de Surya Bonaly, des collerettes géantes, des danseuses en tutu, des collerettes géantes, des lèvres rouges démesurées, des collerettes géantes, des figurants en ensemble veste-pantacourt bleu roi assorti d’un pull à rayures horizontales qui tenaient des piquets surmontés de chevaux de manège, des collerettes géantes, des danseuses de French cancan aux couleurs de l’arc-en-ciel, des bonhommes CETELEM remarquablement stoïques qui n’étaient pas des bonhommes CETELEM, mais des arbustes, en fait. Comme quoi, il ne suffit pas de ressembler à CETELEM pour faire du CETELEM. Tout ce petit peuple valsant gaiement au son de quelques notes d’accordéon en ouverture, puis de 2 relectures electro house au dégoût du jour du Galop infernal d’Offenbach et de La Vie en rose, de Marion Cotillard, avant que ne retentissent les premières mesures de I Gotta Feeling, lorsque les rideaux du carrousel sont tombés pour laisser apparaître David Guetta, l’invité surprise. C’est le moment qu’ont choisi les sociétaires de l’École de Zumba du Ballet de l’Opéra national de Saint-Denis pour se déhancher sur les collages numériques sonores du futur quinqua dans des robes bouffantes à franges vraisemblablement confectionnées dans des pompons de cheerleader… Des robes à franges bleues : Pocahontas meets Avatar. Pocahontas meets Pocahontas, en gros… Y’en a même une qui est tombée, c’était rigolo. Quand soudain, pour Zara, l’heure sonne : dans une tenue de patineuse artistique rafistolée par du chatterton argenté, introduite par le prompteur de David Guetta, la chanteuse suédoise a entonné le morceau susmentionné dans un playback endiablé qui n’a pas manqué de ne pas mettre le feu au stade ! Cerise sur le Guetta, l’apparition d’une structure représentant la Tour Eiffel, que l’on a longtemps cru être un tout autre symbole et dont l’ascension progressive n’a rien fait pour dissiper la première impression. Les tribunes ne furent pas en reste, arborant un tifo composé du drapeau des 24 sélections engagées. Le temps d’un passage de la patrouille de France au dessus de l’enceinte, laissant une traînée bleu blanc rouge dans le ciel dionysien, et le speaker a intimé aux 80 000 chanceux d’accueillir les 2 équipes. Parce que oui, il y avait un match à jouer…

FRANCE 2-1 ROUMANIE / GIROUD 57’, STANCU (P) 65’, PAYET 89’

Notre amie Zara l’a démontré au préalable : lorsque tu es chanteuse, tu peux t’autoriser un playback, remuer les lèvres avec conviction et le tour est plus ou moins joué. OKLM. Quand tu es footballeur, en revanche, c’est plus compliqué de démarrer une rencontre en pilotage automatique. Même quand le personnel aérien fait grève…

4’ : Sur un corner roumain dévié au premier poteau, Stancu se retrouve seul au second et reprend du droit à bout portant. Une action qui fait déjà vibrer le stade, nos cœurs fragiles, mais pas la montre de l’arbitre, car Lloris réalise un arrêt réflexe miraculeux. Il est tellement tôt dans le match que l’opercule fraîcheur des Pringles est encore en place, contrairement à la défense des Bleus…

C’est le souci quand tu as passé 2 années à disputer des tournois de sixte en squattant la buvette… Il faut ajouter à cela un enjeu qui semble tétaniser les tricolores, alors que l’équipe roumaine est bien présente, ses membres faisant déjà l’essuie-glace…

Laisser l’adversaire mettre notre portier en confiance, OK. Perdre des ballons pour que Kanté les récupère, OK. Mais c’est quand même un peu risqué comme stratégie. Y’a bien un moment où le petit N’Golo va commencer à transpirer…

14’ : D’une jolie passe en profondeur entre le défenseur central et le latéral roumain, Pogba trouve Sagna sur le côté droit. Ce dernier adresse un centre précis que Griezmann loupe en voulant le reprendre acrobatiquement. Le ballon est mal dégagé par Chiriches et revient sur le madrilène, qui reprend de la tête sur le poteau. La botte secrète de Deschamps est redoutable : connaissant les antécédents du bonhomme dans l’exercice, lorsque les équipes adverses constatent que c’est Sagna qui s’apprête à centrer, elles ne prennent même pas la peine de marquer l’attaquant qui pourrait être à la réception. Malin.

36’ : On prend (presque) les mêmes et on recommence ! Payet, servi côté droit par une touche de Sagna, centre fort sur Griezmann, dont la reprise contrée par la défense échoue tout près du poteau.

Les 2 équipes reprennent le chemin des vestiaires sur un score de karité. C’est comme un sport de parité, mais ça fait plus de clics sur les blogueuses mode.

48’ : Stanciu pour Stancu (!), amorti poitrine + volée acrobatique. Comme Sarah Connor, c’est à côté…

52’ : Premier tir cadré français signé Giroud. Pardon, je ne voulais pas vous réveiller.

56’ : Hammer time! Payet prend les choses en main et s’amuse de l’arrière-garde des Carpates. Au terme d’une percée et d’une belle feinte qui envoie son vis-à-vis au sol, il trouve Pogba à l’entrée de la surface, dont la volée est sortie difficilement du pied par Tărtăr… Tătăr… par le gardien roumain.

57’ : Matuidi trouve Payet sur la droite (peut-être sa seule bonne action du match). Le Réunionnais emmène son défenseur avant de revenir sur son pied gauche pour enrouler un centre qui trouve l’arrière du crâne de Giroud. Ciprian Tătărușanu est bien plus conciliant que son état-civil et il adore les fraises. (1-0)

LA LUMIÈRE EST VENUE D’OLIVIER GIR… Comment ça, ce n’est que le match d’ouverture ? Ok, je me calme. Mais je pensais que ça se jouait à la Toussaint, l’ouverture…

64’ : Patrice Evra est un génie. Il crochète Stanciu de la jambe gauche en pleine surface et lève les bras aux cieux simultanément pour clamer son innocence. Qui plus est, il commet une faute sur un joueur qui avait perdu le ballon ; enfin qui allait trouver Kanté sur sa route, c’est pareil. Une action qui vient couronner un match impeccable de la part du joueur de la Juventus qu’aucun adversaire n’avait réussi à ne pas passer. Patrice, les aventuriers de la tribu jaune ont décidé à l’unanimité de vous éliminer et leur sentence est irrévocable.

65’ : En plus d’être irrévocable, elle est transformée par Stancu. Marquer sur péno, c’est pas joli-joli. C’est donc un but de Stancu laid… (1-1)

Le 7 décembre 2014, l’Olympique de Marseille reçoit le FC Metz pour le compte de la 17è journée de Ligue 1. On joue les arrêts de jeu et le score est de 2-1 pour les locaux du Loco. N’importe quel coach estampillé Ligue 1 aurait garé le bus devant la cage de sa formation, attendant patiemment que les minutes s’égrènent. Pas Marcelo Bielsa. Et ça fonctionne : Rod Fanni, alors défenseur central, intercepte une mauvaise passe de Métanire à la limite du rond central dans le camp messin. Il s’avance et décale idéalement Dimitri Payet sur sa droite. Ce dernier s’emmène le ballon, avant de le piquer au-dessus du gardien dans un geste plein de maîtrise et de lucidité. Dimitri Payet ne serait pas le même joueur si sa route n’avait pas croisé celle du technicien argentin. Bielsa lui a apporté la rigueur et la consistance sur l’ensemble d’un match. Et d’une saison. Pas étonnant que le coup de patte décisif soit venu de lui. Quand en plus on sait que dans ce fameux match face à Metz, il avait également distillé un centre décisif pour la tête de Dédé Gignac…

89’ : Vous connaissez l’histoire du mec qui s’absente pour aller aux lieux d’aisance pendant les matchs et, à chaque fois qu’il y va, un but est marqué ? J’ai suivi le match avec – entre autres – le dénommé Mickaël, réputé pour posséder ce superpouvoir. À 1-1, désespérant de voir la partie se finir sur ce score, nous l’avons invité à se rendre aux toilettes, plus pour déconner qu’autre chose. La suite, vous la connaissez… Sagna feinte le centre et trouve Coman, qui s’appuie sur Kanté après un demi-tour sur lui-même. Le champion d’Angleterre glisse à Payet : contrôle orienté et missile du gauche. La frappe du meneur de jeu vient transpercer les filets et la couche d’O-Zone : Dimitri, c’est plus fort que l’avion de Barbie ! (2-1)

90+2’ : Une passe décisive, un but et comme si cela ne suffisait pas, déjà une image forte de cet Euro : appelé par le banc pour être remplacé, Dimitri Payet fond en larmes. L’histoire ne dit pas si ces larmes furent causées par la charge émotionnelle de cette fin de rencontre, ou par l’entrée en jeu de Moussa Sissoko.

90+3’ : Cours, Moussa ! Cours ! Chevauchée fantastique, Sarah Connor, tout ça, tout ça…

“C’est simple, le football, quand on frappe dans les lucarnes.” La conclusion est implacable et elle est signée Didier Deschamps en conférence de presse d’après-match.

Pour équilibrer le niveau, voici ce que l’on peut lire sur les murs du mémorial d’Oradour : “De toutes les semences confiées à la terre, le sang versé par les martyrs est celle qui donne la plus prompte moisson.” Il fallait bien une citation de Balzac pour honorer la mémoire de ces innocents...

À tantôt…

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