Cahier de Mondial – Entrée #8 : “Rise like a phoenix”

En 1966, l’Autriche avait remporté l’Eurovision, l’Atlético Madrid, la Liga, le Real, la Coupe des clubs champions européens, le Betis Séville avait été relégué, le Deportivo La Corogne promu, et l’Espagne sortie dès le premier tour d’un Mondial gagné par l’Angleterre. Le 10 mai dernier, un drag queen barbu autrichien a filé une demi-molle à toute l’Albion. En décrochant la timbale du télé-crochet européen grâce au bondien Rise Like a Phoenix, Conchita Wurst a précédé une série d’événements curieusement similaires à ceux intervenus près de 40 ans plus tôt, suscitant un espoir aussi fou qu’irraisonné outre-Manche. L’ironie dans l’histoire, c’est que celui qui a douché quasi-définitivement cet espoir a subi une opération un mois avant la compétition pour revenir – tel un phénix – éclabousser de son talent cet Uruguay/Angleterre. Comme si ça ne suffisait pas, Luis “El pistolero” Suárez – puisque c’est de lui dont il s’agit – évolue à Liverpool. Enfin, pour le moment, car d’après la jurisprudence Ahn Jung-Hwan, il devrait se retrouver sans club incessamment. Il y avait 2 autres matchs comptant pour la 2è journée du groupe C ce jeudi 19 juin 2014 : Colombie/Côte d’Ivoire et Japon/Grèce. 2 comme le nombre de points obtenus par les Twin Twin, bon derniers à 288 unités de Conchita. Baron de Coubertin, tout ça, tout ça…

Uruguay_Angleterre_19062014

Le 19 juin 1990, l’Allemagne, les 3 pays du Bénélux et la France ont ratifié la Convention de Schenghen, étape importante dans la création de l’espace du même nom. 24 ans plus tard, jour pour jour, Luis Alberto Suárez a célébré dignement cet anniversaire en circulant librement dans une défense en glaise. Comme il l’a fait toute cette saison en Premier League, à ceci près que ça a moins fait marrer Steven Gerrard…

Couleur café

Après le café in (rappelez-vous La Palette), la caféine : Colombie/Côte d’Ivoire, match entre gros producteurs sur le sol du numéro un de la catégorie. Quand tu regardes la trombine des joueurs, tu te rends compte que l’une des 2 sélections a mis un peu de lait dans son arabica…

En première mi-temps, James Rodriguez, bien décalé par Cuadrado, adresse une galette à son 9 (“Teo” Gutierrez) qui se loupe seul face au gardien. Avec le jambon et le fromage, on avait la complète. Dommage. Ce même Cuadrado passe tout près de l’ouverture du score lorsque son centre-tir en sortie de dribble – 142 passements de jambe à la louche – est dévié sur le poteau par Barry Copa. On prend les mêmes et on recommence : corner de Cuadrado, tête (!) imparable de James qui vient couper la trajectoire au premier poteau. Le stratège monégasque se permet le luxe de devancer un Drogba un peu léger sur le coup. 6 minutes plus tard, le buteur intercepte un ballon sur une erreur ivoirienne. Quintero, idéalement servi par Gutierrez, double la mise d’un intérieur du gauche ajusté. Dans la foulée, les gracieuses arabesques de Gervinho permettront à la sélection africaine de réduire l’écart au prix d’un bel exploit solitaire. 2-1, score final. À Brasilia, au milieu des effluves de café, il régnait cet après-midi-là un doux et nostalgique parfum de Ligue 1…

Lève-toi et marque

Raheem Sterling : 19 ans, middle name Shaquille, des rumeurs lui attribuant la paternité de 3 enfants nés de 3 femmes différentes, des dribbles de fou, une vitesse fulgurante et déjà promu au rang de grand espoir du football anglais. Vous imaginez le régal pour les tabloïds ? Comme si les planètes s’alignaient au dessus de Stonehenge. “Quel match il livre, Sterling” ai-je tweeté pendant le choc face à l’Italie, rappelant que le garçon faisait aussi le bonheur des calembouristes hardis. Une prestation plutôt convaincante qui posait légitimement le petit ailier né en Jamaïque (ceci explique peut-être cela) comme l’une des attractions majeures à l’heure d’affronter l’Uruguay. On l’avoue, on avait hâte d’assister au rencard entre ses cannes de feu et les semelles des poètes sud-américains. Il a tourné court, c’est même le joueur anglais qui a couché Álvaro Pereira d’un coup de genou “yatabaresque”…

10’ : le ballon enveloppé de Rooney vient lécher le cadre de Muslera à la suite d’un coup-franc à l’entrée de la surface qu’aurait transformé David Beckham les yeux fermés et les mains dans les poches, comme quand il se fait tatouer.

15’ : les défenseurs anglais laissent tout le loisir à Cristian Rodríguez – ancienne gloire du PSG – d’expédier une frappe qui flirte avec la barre de Joe Hart.

31’ : Rooney trouve la barre à bout portant de la tête à la réception d’un coup franc botté par Steven Gerrard. Il s’en est fallu d’un implant capillaire que le Mancunien ne débloque la rencontre.

39’ : la contre-attaque uruguayenne ! Après un contre favorable, Lodeiro sert Cavani. La nouvelle gloire du PSG temporise, feinte la frappe, avant de déposer un bijou de ballon sur le crâne de l’inévitable Suárez qui s’applique pour battre Hart d’une tête croisée. The Beatles 1 – Oasis 0. (1-0)

41’ : Rooney se débarrasse d’un adversaire d’un petit pont au milieu de terrain et sert Sturridge dans la surface. Le tir premier poteau de ce dernier est détourné en corner par Muslera. Dany boom !

Mi-temps.

50’ : pour la deuxième fois de la rencontre, Joe Hart se fait peur sur un corner frappé au premier poteau qu’il repousse non sans mal. L’amour du risque.

52’ : nouveau jeu à 2 Lodeiro/Cavani. À l’issue d’un une-deux, l’attaquant parisien manque son duel avec Joe Hart en ouvrant trop son pied.

54’ : côté gauche, Baines passe entre deux Uruguayens, déborde et adresse un centre repris par Rooney à l’entrée des 5,50m. Muslera, prompt au sol, est à la parade.

75’ : côté droit cette fois-ci, Sturridge élimine deux adversaires avant de lancer Johnson. Le latéral droit repique vers l’axe pour servir en taclant Rooney au second poteau, qui n’a plus qu’à pousser le ballon du gauche. Il égalise et débloque son compteur en Coupe du monde. 28 ans, plus puceau. (1-1)

85’ : Long dégagement de Muslera dévié involontairement de la tête par Steven Gerrard qui trouve Suárez (déformation professionnelle) dans la profondeur. L’attaquant des Reds s’en va fusiller le portier de City et signer un doublé miraculeux pour lui qui était encore en fauteuil roulant il y a tout juste un mois. “Lève-toi et marque !(2-1)

Le directeur de jeu sifflera les 3 coups de sifflet finaux sur un dernier dégagement de Muslera. OK, je déteste cordialement l’Uruguay, je hais ce jeu dur souvent à la limite, j’ai encore en travers de la gorge le carton rouge de Thierry Henry en 2002 et la claquette de Suárez contre le Ghana, mais ce soir, on a assisté à un vrai beau truc, la liesse de tout un pays qui porte son (pour l’instant) sauveur en triomphe. Un mec qui embrasse son poignet, son pouce, son index puis son majeur à chaque fois qu’il plante en hommage à sa femme et ses 2 enfants. Un romantique, quoi…

Pour les Three Lions, c’est nettement moins rose. Leurs chances de qualification ne dépendent plus d’eux après ces 2 défaites consécutives sur le même score. Ils ont frit, mais ils n’ont pas tout compris…

Komorebi

Dans la langue japonaise, il existe un mot consacré à décrire le phénomène visuel qui se produit lorsque la lumière du soleil est filtrée par le feuillage des arbres. Ça en dit long sur la sensibilité d’une civilisation qui a fourni quelques très beaux joueurs (Nakata, Inamoto, Nakamura, Matsui et j’en passe). Alors forcément, au moment de jouer la Grèce qui représente la négation absolue de ce sport, on est face à une opposition de style radicale.

La Grèce a été réduite à 10 après l’exclusion de Katsouranis, mais les Nippons n’ont pas pu en profiter. Score final 0-0. La Grèce réduite… L’arbitre 1 – le régime Dukan 0.

Je ne suis pas fou (à ce point), je n’ai pas veillé pour suivre ces 90 minutes que je présageais comme extrêmement douloureuses. Pourtant, il parait que la nuit camoufle pour quelques heures la zone sale et les épaves et la laideur. Merci, mais non merci !

À tantão…

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