Cahier de Mondial 2018 – Entrée #22 : “The creative adult…”

... is the child who survived.” Cette citation apocryphe est fréquemment attribuée à tort à Ursula K. Le Guin, écrivaine américaine disparue au début de l'année. Ses mots exacts sont tirés d'un essai intitulé Why Are Americans Afraid of Dragons? : I believe that maturity is not an outgrowing, but a growing up: that an adult is not a dead child, but a child who survived.” Un adulte est un enfant qui a survécu. Une manière de contrer l'idée en vigueur à l'époque  (1974) selon laquelle l'âge adulte devait nécessairement passer par le rejet de tout ce qui a trait à l'enfance. Aucun lien avec la créativité - elle est fille unique. Néanmoins, ces deux notions se sont parfois retrouvées étroitement mêlées, comme chez Baudelaire : Le génie n'est que l'enfance retrouvée à volonté.” Encore un qui s'est laissé abuser par la taille de Leo Messi...


Foot-Bidonvilles-Brésil

Nous sommes le jeudi 5 juillet 2018, jour de 60e anniversaire pour William Boyd Watterson II, auteur du comic strip qui, sans doute plus que tout autre, illustre à merveille le propos introductif.

Bill Watterson a vu le jour à Washington, D.C. Pourtant, à le lire, on pourrait jurer qu'il est d'ailleurs. Très tôt, sa famille déménage à Chagrin Falls, petit village de la banlieue de Cleveland. Alors que le nom de cette bourgade semblait davantage le destiner à devenir un cousin américain des frères Dardenne, il y puisa l'inspiration pour ce qui allait être l'oeuvre de sa vie : les aventures d'un garçonnet et de son tigre en peluche. Deux personnages placés sous le patronage de 2 penseurs - une astuce qui sera reprise par les scénaristes de LOST -, Jean Calvin et Thomas Hobbes. Calvin & Hobbes. Pendant 10 ans, la série s'attachera à dépeindre les inénarrables décalages entre la vision du minot, celle de son félin et le monde - adulte, mais pas que - auquel elles se heurtent régulièrement. En substance, la phrase de Baudelaire dit que pour créer, il faut être capable de retrouver un état proche de celui de l'enfance, où l'on a d'a priori sur rien. C'est le cas de Calvin qui, au-delà de son intelligence et de sa malice, lance souvent à ses parents des affirmations et/ou questions désarmantes de sincérité auxquelles ces derniers n'opposent d'autre réponse qu'une légère coercition.

Le début du mois qui doit son étymologie à Jules César revêt une importance capitale pour un autre créateur ayant pioché dans l'enfance. Ainsi, le 4 juillet est une date pivot à double titre pour Charles Lutwidge Dodgson, plus connu sous le nom de plume Lewis Carroll. En 1862, c'est là qu'il commence à esquisser les contours d'un récit aux 3 jeunes filles du doyen du collège où il est enseignant à la faveur d'une sortie en barque. La cadette, Alice, le tanne pour en obtenir une version papier. Il s'exécutera et lui présentera en 1864 un manuscrit illustré Alice's Adventures Under Ground. Le 4 juillet 1865, Alice's Adventures in Wonderland paraît. Si les bases sont enfantines, le conte est infiniment plus sombre.

La genèse de Watership Down est très similaire. Le roman que l'on doit à Richard Adams est une fable hautement métaphorique sur la survie de lapins contraints de quitter leur garenne. Ce qui a démarré comme un stratagème pour divertir les deux filles de l'auteur, Juliet et Rosamond, lors de longs voyage en voiture, s'est rapidement mué en ouvrage devant les suppliques des gamines. Vendu à plusieurs dizaines de millions d'exemplaires, il a acquis un statut de classique, connaissant une popularité non démentie auprès des lecteurs. Cela contraste avec l'anonymat relatif dans lequel il a pointé le bout de son nez chez nous au milieu des années 70. Il a cependant été sorti du terrier par les éditions Monsieur Toussaint Louverture à la rentrée 2016, quelques mois avant que l'auteur britannique ne rende son dernier souffle à la veille de Noël...

Voilà deux cas mettant en exergue l'importance de la tradition orale dans le processus créatif. Une bonne histoire, c'est aussi ce qu'il faut à un sélectionneur, dans l'intimité d'un vestiaire, pour exhorter 23 types à se dépasser et tendre vers l'objectif commun : passer un tour supplémentaire, les 1/4 de finale dès demain. La seule différence, c'est qu'au terme de la causerie, ce n'est pas le locuteur lui-même qui écrira l'histoire, ce seront les joueurs, sur le terrain. Et il y a fort à parier que ce sera un poil plus compliqué que de suivre le lapin blanc...

À тантôт…

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