Le cœur des hommes…

On reproche souvent aux footballeurs d’exercer leur profession sans passion, sans sentiments. À l’instar des hardeurs, pour lesquels l’acte d’amour est un rituel si mécanique qu’il en est totalement dépourvu de plaisir ou d’émotion.

Les griefs sont légion : défaut d’attachement au maillot, de respect des supporters, absence de valeurs ou de combativité, etc. La condamnation est d’autant plus sévère que leur aisance matérielle croît de manière inversement proportionnelle à celle de leurs admirateurs ; le joueur professionnel est un être sans cœur. Pourtant, ils en ont tous un, et fragile qui plus est. Un cœur humain pèse de 300 à 350 grammes en moyenne. En proportion, c’est bien inférieur aux 410 à 450 grammes règlementaires du ballon dans lequel ils frappent à longueur de matchs.

Un constat que la vie s’est chargée de nous rappeler ce samedi 17 mars. Peu avant la mi-temps du 1/4 de finale de FA Cup qui opposait Tottenham à son équipe de Bolton, le jeune – 23 ans – milieu de terrain défensif, Fabrice Muamba, s’est écroulé sur la pelouse de White Hart Lane, victime d’un grave malaise cardiaque. Si l’intelligence… du cœur dont a fait preuve l’arbitre de la rencontre, Howard Webb, en l’interrompant est inédite, le drame, en revanche, l’est beaucoup moins.

Le cas le plus marquant est probablement celui de Marc-Vivien Foé. Les images du mètre quatre-vingt-huit du milieu de terrain camerounais étendu inanimé, les yeux révulsés, au milieu de la pelouse de Gerland sont toujours imprimées dans la mémoire collective malgré la petite décennie qui nous en sépare. L’hommage rendu par les joueurs de l’Équipe de France, le doigt pointé vers le ciel après un but inscrit contre la Turquie au cours de la même compétition, également. Le lion indomptable avait succombé au terme de quarante-cinq minutes d’un massage cardiaque inutile. La durée d’une mi-temps, la plus dure qu’il ait jamais eu à disputer. La dernière aussi…

Quatre ans plus tard, c’est Antonio Puerta, 22 ans, prometteur latéral gauche du FC Séville qui avait rendu l’âme trois jours après s’être effondré sur le terrain. Victime de plusieurs arrêts cardiaques dans les vestiaires, il avait été transféré à l’hôpital où il s’éteint le 28 août 2007.

Si le destin tragique de ces deux joueurs a été particulièrement médiatisé, la liste est longue et aurait pu l’être davantage si les techniques de dépistage n’avaient pas permis de tirer l’alarme sur l’état de santé de joueurs tels que Lilian Thuram ou Loïc Rémy (qui a tout de même été autorisé à poursuivre sa carrière).

On dit que si l’histoire ne se répète pas, elle bégaie. Son dernier balbutiement a heurté de plein fouet l’infortuné Fabrice Muamba par un samedi après-midi tout ce qu’il y avait de plus banal. A priori.

Dans un battement de cœur, l’émotion a fait le tour de la planète football, notamment via le réseau Twitter. Dans le même élan, collègues et anonymes ont envoyé leurs pensées et prières au joueur, à son club, ainsi qu’à ses proches. Les manifestations de solidarité et de sympathie se sont multipliées au cours du week-end : chaque match anglais a été précédé d’une minute d’applaudissements, les joueurs du Real Madrid ont arboré un maillot floqué d’un “Get well soon Muamba”, les supporters de clubs “rivaux” ont déployé des banderoles de soutien…

L’unanimité de cette bienveillance – qui montre une jolie facette du monde du football professionnel, une fois n’est pas coutume – est également due au parcours hors du commun de ce footballeur qui a fui la guerre civile et son Congo natal et “fait du football son chez lui”, jusqu’à devenir international espoirs anglais.

La situation du joueur est toujours incertaine. Il serait dans un état critique mais stable. Il lutte toujours pour sa vie à l’heure où j’écris ces lignes.

Fabrice, relève-toi. Les statistiques sont importantes dans ce sport, mais n’en deviens pas une de plus. Pas comme ça…

Get-well-soon-Fabrice-Muamba

3 thoughts on “Le cœur des hommes…”

  1. Merci pour cette pensée ! Il fait partie de la liste que j'évoque et avait un âge très proche de celui de Fabrice Muamba...

  2. et oui, à se demander comment à cet age on en arrive à faire des malaises cardiaques sur le terrain... mais bon...

Leave a Reply

Envie de réagir ?

1/ Saisissez votre texte dans le cadre ci-dessous.
2/ Sélectionnez votre profil dans la liste déroulante : si vous disposez d'un compte (Google, etc.), identifiez-vous. Sinon, vous pouvez entrer un nom ou pseudo sous "Nom/URL".
3/ Cliquez sur "S'abonner par e-mail", pour être prévenu dès qu'une réponse sera postée.
4/ Enfin, cliquez sur "Publier". Job done!

Merci à vous !