Cahier de Mondial – Entrée #22 : “On n’est pas sérieux quand on a 14 ans…”

Les prémices de l’été 98. Je jongle entre football et révisions pour le brevet. Tout du moins, c’est la tambouille que je crois faire avaler à mes parents. En réalité, le Mondial organisé dans l’Hexagone a raison de toute amorce de velléité studieuse. Je n’ai besoin que de 11 petits points pour décrocher le premier diplôme de ma scolarité, le choix est vite fait. Ce seront les Bleus auxquels je porte déjà un soutien aussi indéfectible qu’inconditionnel et en qui j’ai investi un fol espoir. J’ai en effet refusé de m’offrir la tunique tricolore, au motif que j’attendais la mi-juillet et l’étoile brodée qui viendrait en orner le cœur. Insouciance de la jeunesse, vœu pieux ou intuition, je suis intimement convaincu que la France sera championne du monde. De mon entourage proche, je suis le seul. On n’est pas sérieux, quand on a 14 ans…

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L’avantage d’une Coupe du monde disputée sur ton fuseau horaire, c’est que tu ne paies pas de lourd tribut au jetlag. Précieux, lorsque l’on sait l’impunité dans laquelle le Mondial brésilien danse la samba avec notre horloge biologique.

L’avantage d’une Coupe du monde disputée dans ton pays, c’est que tu peux aller voir les matchs sans avoir besoin de mettre en place une logistique d’état-major de belligérant.

Il y a 16 ans, on payait encore en francs et 225 unités de feue cette monnaie suffisaient à t’offrir un ticket pour la plus grande compétition de football de sélection. Fallait pas être trop regardant non plus… Roumanie/Tunisie n’était pas nécessairement l’affiche dont je rêvais, loin s’en faut. Le Ministère de l’Intérieur non plus. Mais dans ce genre de grand raout, la ferveur de l’événement prend le pas sur tout, d’autant qu’il s’agissait là d’un baptême et d’un amuse-bouche…

Car pour 25 francs de plus, le sésame avait un tout autre cachet : un quart de finale, toujours au Stade de France. Si tout se goupillait bien, ce serait celui de l’équipe de France. Vous le savez, tout s’est parfaitement goupillé. Non seulement les Bleus – qui jouaient en blanc pour l’occasion – étaient présents au rendez-vous, mais en face d’eux, la squadra azzura avait coché la même case dans son agenda. Est-ce que tu viens pour les vacances/Moi je n’ai pas changé d’adresse/Je serai, je pense/Un peu en avance/Au rendez-vous de nos promesses… Je ne me souviens pas avec précision de ce match, simplement d’une tension omniprésente, presque palpable, ressentie par tout un peuple qui commençait doucement à rêver. En virage Sud, tout en haut du stade, proche de l’écran géant, nous étions aux premières loges mon père et moi pour la séance de tirs au but. Je me rappelle avoir accentué ma méfiance pour les gauchers dans cet exercice quand Bixente Lizarazu a imité Reynald Pedros 2 ans plus tôt. Et surtout, j’ai encore en moi la joie intense au moment où le ballon de Di Biagio est allé heurter la barre de Fabien Barthez, l’émotion qui a cueilli les tribunes, et moi, qui perds l’équilibre et manque de basculer en avant. Dans un réflexe salutaire, le paternel m’avait rattrapé avant même que je n’aie le temps d’avoir vraiment peur. Malgré l’enjeu de la rencontre, l’effervescence qu’elle avait générée, c’est ce geste que je retiens encore aujourd’hui. Un souvenir de stade un peu particulier, un moment père-fils bizarre qui, l’air de rien, dit beaucoup. C’est certainement pour cela qu’il fait encore partie de moi…

C’était le 3 juillet 1998. Le 12 du même mois, La Dèche brandissait les 6 et quelques kilos du précieux dans le ciel dionysien, faisant – le temps d’une soirée inoubliable – de la nécropole des rois de France le lieu de leur sacre. 16 ans plus tard, le 3 juillet est une veillée d’armes cette fois-ci. Demain, la France affrontera l’Allemagne, autre ennemi héréditaire, pour une place dans le dernier carré. Ça risque d’être un peu plus compliqué que le brevet…

À tantão…

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