Cahier de Mondial – Entrée #31 : “Jusqu’à la lie…”

Je me souviens parfaitement de la première fois où j’ai vu mon père pleurer. À moins d’être le gosse de Jack Bauer, c’est une image qui marque le palpitant d’un môme de manière indélébile. Pour Pelé, ce fut le dimanche 16 juillet 1950, jour de finale du premier Mondial organisé sur le sol brésilien que la Celeste remporta au détriment des locaux. Cette défaite a meurtri tout un peuple qui s’y réfère encore aujourd’hui comme le Maracanazo. Pour consoler son vieux, le petit Edson Arantes do Nascimento – alors âgé de 9 ans – lui fit la promesse de gagner un jour la Coupe du monde. Les mots d’enfants… Le 12 juillet 1998, la sélection auriverde s’est offert un remake en s’inclinant à nouveau en finale devant qui vous savez sur la marge que vous savez. 16 ans plus tard, le 12 juillet 2014, probablement sonnée par le cataclysme germain, la nation brésilienne en avait oublié le caractère maudit que pouvait revêtir cette date. Le destin s’est rappelé à son bon souvenir, poussant la cruauté jusqu’à imiter parfaitement le score canonique du Stade de France. Puisqu’il faut toujours voir le positif, l’avantage, c’est que la volée infligée par les Pays-Bas sera la dernière désillusion. Comme disait ma prof lorsque l’un d’entre nous laissait échapper son stylo : ça ne tombera pas plus bas…

BRÉSIL 0-3 PAYS-BAS / VAN PERSIE 3’, BLIND 17’, WIJNALDUM 90’+1

Brésil_Pays-Bas_12072014

Le 12 juillet a également vu la naissance de Donald E. Westlake, facétieux, prolifique et éclectique manieur de mots dont l’un des héros les plus célèbres est un cambrioleur ratant peu ou prou tout ce qu’il entreprend. Nul doute que l’écrivain aurait développé un fort capital sympathie pour la défense centrale brésilienne s’il était encore de ce monde…

2 jours avant le match, Neymar avait craqué en conférence de presse au moment de confier qu’il était passé à quelques centimètres de se retrouver en fauteuil. Pas de quoi pleurer, d’autant que, même ainsi, il aurait été plus rapide et meilleur que ses 22 potes. C’est vrai, quoi, quand je l’ai vu prendre place sur le banc de touche en tenue, j’ai bien cru qu’il entrerait quelques minutes à la fin histoire de finir en martyr sous les crampons de Nigel de Jong qui aurait basé son certificat médical avec plaisir pour aller lui chatouiller les chevilles... Du panache, bordel !

Sinon, c’est allé très vite : bien lancé en profondeur, Robben a pris de vitesse Thiago Silva en partant 15 mètres derrière lui. Le défenseur du PSG n’a eu d’autre choix que de l’accrocher à l’entrée de la surface de réparation. Il a ainsi découvert que le bras des Qataris n’était pas si long lorsque l’arbitre a indiqué le point de penalty. Avec véhémence, le capitaine brésilien a expliqué au directeur de jeu que la faute avait eu lieu en dehors des 16,50 mètres. Malin, il préférait sans doute esquiver une soirée galère en se faisant expulser d’emblée, sauf que l’arbitre a sans doute estimé que pour une fois qu’autre chose qu’une bourrasque faisait trébucher Arjen Robben, cela justifiait largement la sanction suprême que Robin van Persie transforma. (0-1, 3’)

Moins d’un quart d’heure plus tard, Robben décale De Guzman sur sa droite. Ce dernier centre vers le second poteau, mais son ballon est renvoyé plein axe par la tête de David Luiz. Sur Blind, qui a le temps d’amortir de l’extérieur du pied gauche, d’effectuer une autre touche du même pied et de placer une demi-volée du droit sous la barre. Les 5 défenseurs présents dans la surface n’interviennent pas, jugeant qu’ils ont payé suffisamment cher leur place dans les 23 pour ne pas profiter du spectacle. (0-2, 17’)

Personne n’a vraiment compris ce qui s’est passé ensuite. Les Brésiliens ont organisé un concours de maladresse qu’ils ont pris avec beaucoup de sérieux. On pourra discuter de la pertinence de se livrer à cet exercice en pleine Coupe du monde ou se réjouir de l’existence du pied gauche d’Hulk comme arme de pacification du Moyen-Orient, c’est selon…

Pour respecter le cahier des charges des rencontres du 12 juillet, il fallait une troisième réalisation, si possible dans le temps additionnel. Une action qui partirait de Robben qui décalerait Janmaat sur sa droite dont le centre trouverait Wijnaldum esseulé aux 6 mètres. Prions pour que les prochaines consignes défensives de la Seleção qui vient d’encaisser 10 buts en 2 rencontres soient traduites en braille… (0-3, 90’+1)

Au coup de sifflet final, Neymar a levé les yeux vers l’écran géant du stade en soufflant de dépit, soit parce qu’il indiquait le score final, soit parce qu’il y a vu la coupe de cheveux qu’il arborait. On ne sait pas trop. Quoi qu’il en soit, le cauchemar est enfin terminé pour les Brésiliens… pour peu que l’Argentine ne s’impose pas demain. Le Corcovado peut désormais baisser les bras et facepalmer en paix, laissant les Néerlandais tout à leur joie de finir sur le podium. Un accessit qui semble néanmoins les ravir : le bonheur, ça s’trouve pas en lingot, mais en p’tite monnaie…

À tantão…

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