Cahiers de cinéma - Entrée #14…

Les Garçons et Guillaume, à Table ! (2012) de Guillaume Gallienne
GG
Merci, Guillaume. Sincèrement. Tu as réussi le triple exploit, en une soirée seulement – la dernière de février –, de garnir le manteau de ta cheminée, faire pousser des cris d’orfraie aux pisse-froid (Inrocks en tête) et nous montrer que des mecs nés à Neuilly pouvaient être cools. Une fois qu’on a dit tout ça, faut que tu m’expliques ta filmo, là. Tu passes de Pollack à Onteniente, de Sofia Coppola à l’Astérix de Tirard. C’est quoi ton projet ? Bon, je veux bien te pardonner parce que grâce à toi, j’ai vu des chantres de la bien-pensance défendre avec ardeur un Arabe (Kechiche, pour ne pas le nommer), et dans notre pays, je trouve ça rigolo. Puis, parce que ton film est parfait, comme toi dedans. Je te reprocherais juste une petite faute de goût concernant le passage scato de la clinique où Diane Kruger y joue comme un pied. Le reste m’a vraiment enthousiasmé, que ce soit la justesse de ton jeu, des émotions, la tendresse pour tes personnages, le choix des musiques et cette superbe séquence accompagnée de Don’t leave me now. Il n’y a pas de boussole pour l’orientation sexuelle, pas de bonne ou de mauvaise réponse sur sa propre identité, c’est ce que tu as réussi à nous rappeler en moins d’1h30 en ne parlant que de toi sans que ce ne soit à aucun moment gênant. C’est qu’on avait perdu l’habitude avec les Neuilléens (suis mon regard). Bref, tout ça pour te dire que si tu as un peu de temps et pas mal de courage, il y a des personnes à qui tu pourrais apprendre 2/3 trucs genre la tolérance. Enfin si tu te lances là-dedans, je crois qu’on ne t’attendra pas pour manger…

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The Way Way Back
(Cet été-là) (2013) de Nat Faxon & Jim Rash
J’peux pas, j’ai piscine !
La manière de faire des films indés est devenu aussi clichée que celle des studios. C’est ce qu’a dit James Gray lorsqu’il est venu présenter The Immigrant chez nous. Chaque semaine ou presque, on a le droit à de nouveaux représentants, candidats plus ou moins déclarés à la succession de Little Miss Sunshine, qui semble être le mètre-étalon en la matière. Ici, il s’agit d’une nouvelle coming-of-age story comme on dit chez eux. On suit le parcours de Duncan (Liam James), ado mal dans sa peau qui passe les vacances en compagnie de sa mère et de son beau-père (Toni Collette et Steve Carrell, déjà à l’affiche de LMS) et va trouver en Owen (Sam Rockwell) – le manager d’un parc aquatique avoisinant – un ami inattendu/inespéré en même temps qu’un mentor. Les tics indés sont bien là, merci pour eux : l’acteur comique à contre-emploi (Carrell, presque pas une vanne en 103 minutes), les persos secondaires outranciers, les plans sur les chaises vides et la pluie. Mais ça a fonctionné pour moi parce que l’histoire est touchante, et il est facile de s’y rattacher. Ça ressemble à Adventureland dans l’esprit, c’est réalisé par l’équipe responsable du scénar de The Descendants, et c’et emmené par Sam Rockwell, qui, quel que soit ton âge, ton prénom, ton histoire, doit être, à peu de choses près, le mec le plus cool que tu puisses rêver d’avoir comme ami.

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Casse-tête chinois
(2012) de Cédric Klapisch
Sortie de l’auberge
Entre l’épisode de trop et les retrouvailles réussies, on est beaucoup plus proche de la seconde hypothèse. Casse-tête chinois est une jolie conclusion à une non moins jolie trilogie : L’Auberge Espagnole était un film très générationnel, dans Les Poupées Russes, la forme épousait parfaitement le fond (narration éclatée pour figurer le bordel dans la tête de Xavier/Romain Duris) et ce troisième opus se présente comme plus mature, plus tendre. En premier lieu, il y a le plaisir de retrouver des personnages avec lesquels on a grandi, appuyé par des clins d’œil aux volets précédents : l’effort collectif pour éviter à l’un d’entre eux d’être pris en flagrant délit d’adultère, les apparitions de philosophes allemands qui remplacent Erasme et d’autres vignettes à l’adresse des nostalgiques. À l’image du Gallienne, la grande idée de cette trilogie – et donc de son dernier épisode –, c’est de refuser la théorie selon laquelle on devrait suivre les chemins tracés pour nous, refuser qu’il y ait de bonnes ou de mauvaises réponses. La meilleure illustration est peut-être cette citation que l’on attribue à tort ou à raison (?) à John Lennon : “Life is what happens to you while you’re busy making other plans.” Imprévisible. Klapisch s’en donne à cœur joie pour livrer sciemment un récit fouillis où l’humour est omniprésent, jamais très loin de l’émotion. Même si la réalisation utilise certains artifices stylistiques, on ne quitte jamais la nostalgie dont l’ensemble est empreint et je dois dire que j’ai quitté la salle avec un léger vague à l’âme parce que cette histoire m’a également interpelé sur ma propre existence. Je pense qu’il y a pas mal de défauts dans ce film, et que pour les personnes peu sensibles à la nostalgie, le charme se dissipera rapidement. Comme vous vous en doutez, ce n’est pas mon cas…

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12 Years a Slave
(2013) de Steve McQueen
“I apologize for my appearance. But I have had a difficult time these past several years.”
Ce moment gênant où ton film hyper sérieux sur l’esclavage a moins de nuances que le Django Unchained de Tarantino. Ça ressemble à une VDM pour Steve McQueen (pas lui, l’autre), et pourtant, c’est la triste vérité. Les noirs sont gentils, les blancs sont méchants, et l’esclavage, c’est mal. C’est ce que j’ai retenu en sortant de la projection. Bon, j’exagère, mais j’ai énormément de mal avec les films de cet académisme. Il ne manquait qu’à le rebaptiser For your consideration (la petite phrase qui accompagne les films soumis au vote des membres de l’Académie des Oscars). Et ça a bien fonctionné puisqu’il est reparti avec le trophée suprême en début de mois. Je suis vraiment déçu parce que j’attendais bien plus d’un réalisateur anglais a priori plus subtil qu’un vulgaire Ron Howard de la pire époque, de quelqu’un qui en seulement 2 films s’était bâti une réputation flatteuse dans le milieu… Alors oui, c’est très bien réalisé, le traitement de l’image est inattaquable. Oui, c’est très bien joué (à l’exception – notable – de Brad Pitt qui arrive comme une perruque sur la soupe pour citer un ami), mais je n’ai à aucun moment ressenti l’émotion que l’on pouvait espérer d’un tel récit. À cause de personnages à forte tendance unidimensionnelle, à commencer par le héros, modèle de vertu (là où le Django était davantage théâtral, certes, mais plus nuancé que cela). Le manichéisme est douloureux et finalement plus gênant que les séquences de coups de fouet. D’autant qu’il y a de “belles” choses : ce plan-séquence hallucinant du personnage au bout d’un nœud coulant sur la pointe des pieds pour éviter une issue fatale, le final et la réaction d’un Solomon honteux malgré l’épreuve terrible qu’il vient de subir. C’est à se demander si ce projet ne tenait pas trop à cœur à un réalisateur qui a, du coup, manqué de recul. Son travail ne sera que très peu remis en question par la profession et par le public parce que la grande cause qu’il sert est évidemment indiscutable. Souvenons-nous néanmoins que, comme le veut l’adage, l’enfer est pavé de bonnes intentions…

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Yves Saint Laurent
(2013) de Jalil Lespert
Smoking/No Smoking
Fuck
la gender theory, je suis allé voir un film sur un génie de la haute-couture : hashtag YOLO. Que dire ? Que Pierre Niney est incroyable, qu’on peut prendre de l’avance et d’ores et déjà graver à son nom la petite compression dorée ? Que Guillaume Gallienne est au diapason dans un rôle très exigeant de faire-valoir ? Que la relation qui les unit est joliment dépeinte ? Oui, on peut dire tout ça. Et puis ? Bah, c’est à peu près tout, c’est très calibré, à peine touchant, et l’œuvre du génie Saint Laurent est légèrement effleurée (voir comme le film se débarrasse du smoking féminin, pourtant l’une des plus grandes créations du maître). There are 2 sides to every story, j’attends donc l’explication de Bonello…

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The Spectacular Now
(2013) de James Ponsoldt
Alcohol connecting people
Un lycéen (Sutter) populaire, alcoolique et farouchement ancré dans le (spectaculaire) présent rencontre une lycéenne (Aimee) discrète, différente des autres, avec des projets d’avenir. Malgré leurs différences, ils sont attirés l’un par l’autre, Sutter en profitant pour initier Aimee à son passe-temps favori : la bibine. Tu files ce pitch aux frères Dardenne et ils te font un épisode de Tellement Vrai vite fait bien fait. James Ponsoldt n’est pas un frère Dardenne, c’est un barbu à chemise à carreaux. Du coup, le résultat est une comédie romantico-dramatique indé qui se perd à cause – entre autres –d’une mauvaise écriture. Dommage pour l’adorable Shailene Woodley.

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The Secret Life of Walter Mitty
(La Vie rêvée de Walter Mitty) (2013) de Ben Stiller
Fort rêveur
La première fois que j’ai posé les yeux sur la bande-annonce, je me suis dit que si le résultat final tenait la moitié des promesses esquissées, on aurait un putain de beau cadeau au pied du sapin (le film est sorti le 25 décembre aux États-Unis). 6 mois plus tard, je l’avais vu 2 fois en salles, et je l’aurais probablement fait davantage si je m’étais écouté. Je ne saurais précisément définir ce qui m’a tant séduit. Probablement le fait qu’il s’adresse aux rêveurs, et qu’en ceci, il m’a parlé plus qu’aucun autre récemment. C’est toujours frustrant de tenter d’expliquer aux autres les endroits où l’on se perd lors de nos absences d’autant que le plus simple serait encore de leur montrer. Avec cette histoire, c’est une façon de leur fournir le visa pour nous accompagner. Histoire au service de laquelle Ben Stiller a placé son génie comique allié à sa maîtrise des effets. Ce que l’on avait entrevu avec Tonnerre sous les Tropiques est à nouveau présent ici : des séquences spectaculaires que l’on voit rarement dans les films de ce genre. Elles permettent dans un premier temps de matérialiser ses rêveries, avant de documenter le périple cette fois bien réel de son personnage. À ce titre, les paysages islandais sont à tomber. Des vignettes illustrées musicalement par une BO divine et exaltante dont certains morceaux ne jureraient pas dans une publicité de téléphonie mobile. Pour ce qui est de l’interprétation, le personnage principal nous est sympathique d’emblée – ce qui contribue à l’implication dont on fait preuve à suivre ses aventures et à ressentir ses émotions – grâce à une jolie copie rendue par l’acteur-réalisateur qu’on savait hilarant, mais qui possède suffisamment de retenue et de pudeur pour être aussi touchant. Si vous passez par ici de temps en temps, vous savez à quel point j’aime Kristen Wiig. Ce n’est pas aujourd’hui que je vais changer d’avis. C’est vrai, quoi, cette nana elle a tout pour elle : elle est belle, drôle, et donne même un peu de la voix dans une reprise de Space Oddity. Autour du couple, Sean Penn est vraiment intéressant en photographe baroudeur dans le peu de temps qu’il a à l’écran, Adam Scott se fait plaisir en jerk et quel bonheur de revoir Shirley MacLaine.
On passe d’un plan sur un avion plus grand que l’aéroport où il a atterri à un coup de fil poignant, d’une partie de foot dans les hauteurs himalayennes à une course en taxi émouvante. Le voyage du spectateur est immobile, on visite de jolis sentiments, de belles sensations grâce à ce conte d’un rêveur qui a su franchir le pas, vivre ses rêves plutôt que rêver sa vie. Message fort en même temps qu’une déclaration faite à ceux qui passent le plus clair de leur temps la tête en l’air. Benjamin Edward Stiller : Merci !

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The Wolf of Wall Street
(Le Loup de Wall Street) (2013) de Martin Scorsese
Le loup et la gnôle
Ça
devait arriver, je suis sorti d’une salle obscure déçu d’un film réalisé par Martin Scorsese. La faute à ce biopic monté sur courant alternatif. OK, Leo est grand, McConaughey aussi, bien qu’on ne le voie que 3 minutes, mais ne ressortent que les scènes WTF (très réussies au demeurant). Le reste, c’est chiant au possible et impersonnel. Sans déc’, ton film, Marty, c’est une visite chez Disney : des plombes à faire la queue pour quelques minutes de frisson à chaque fois. Et t’es pas sympa, t’as même pas prévu les FastPass.

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The Lego Movie
(La grande Aventure Lego) (2014) de Phil Lord & Chris Miller
Ça casse des briques !
J’ai eu un peu honte, honte que le film que j’attende le plus soit un film sur des jouets alors que le dernier Scorsese devait pointer le bout de son nez cocaïné entre-temps. Mais je n’y peux rien, en voyant la bande-annonce, je me suis dit que ce serait monstrueusement fun. Et ce fut le cas. 1h40 à un rythme effréné où tout y passe : gags, vannes, références, clins d’œil à l’univers LEGO lui-même et aux franchises cinoche (Star Wars notamment). Toutes ces petites choses qui appellent des visionnages répétés. Exactement ce que je compte faire lorsque j’aurai mis la main sur la galette d’ici quelques mois. Difficile d’en dire quoi que ce soit de plus sans gâcher le plaisir, juste qu’un film capable de tirer des larmes de rire à la simple répétition du mot spaceship mérite toute la considération du monde. Au moins.

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Le Crocodile du Botswanga
(2012) de Fabrice Éboué & Lionel Steketee
Canaille Football Club
Près de 22 ans après Reservoir Dogs, film de braquage sans aucune image dudit braquage, voici un film sur le foot sans aucune image de foot. Et c’est tant mieux quand on sait la relation conflictuelle qu’entretiennent ce sport et le 7è art. Je ne vais pas tout te mâcher, tape Didier dans Google et tu verras. Plutôt que de se concentrer sur le rectangle vert, les deux ex-compères du Jamel Comedy Club ont décidé de livrer une satire féroce où tout le monde en prend pour son grade (le foot business, bien sûr, l’Afrique, les républiques bananières, le colonialisme, la cupidité, etc.), mais le trait est si grossier qu’elle s’apparente plus à un pavé jeté dans la mare par un gamin moins espiègle qu’inoffensif. Qu’importe à vrai dire, on passe un bon moment grâce à l’investissement conjoint d’Ngijol et Éboué qui prennent un malin plaisir à donner vie aux caricatures qu’ils incarnent à coup de vannes acerbes et de mimiques surjouées. C’est plaisant, probablement moins bien tenu que Case Départ dans l’ensemble, bien que globalement très sympathique.

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