Objects in the rear view mirror may appear closer than they are…

La nostalgie a de bien curieuses manières, c'est un fait. Elle vient parfois frapper à notre porte de façon impromptue. Quand on s'y attend le moins. Un peu comme ce facteur qui monterait pour vous apporter votre recommandé en lieu et place de l'usage qui est de déposer lâchement l'avis de passage dans la boîte aux lettres sans même prendre la peine de sonner. C’est un peu ce qui m’est arrivé il y a un mois quasiment jour pour jour. Le 9 janvier 2012, pour être précis. Un lundi. Je regardais un match de FA Cup - le nom de la coupe nationale en Albion - entre Arsenal et Leeds d'un œil distrait. La rencontre n'avait d'intérêt que de marquer le retour de Titi Henry venu piger dans son club de cœur pendant la trêve yankee. Il est sorti du banc après l'heure de jeu, et à peine 10 minutes plus tard, a signé le seul but du match, celui de la qualification, d'une "spéciale" : un intérieur du pied droit dans le petit filet gauche. Bien sûr, il va moins vite qu'avant, a quelques kilos en plus, une barbe intégrale d'apprenti-Taliban, et a cédé son numéro fétiche. Mais on s'en moque, comme un hipster de sa première chemise à carreaux. Rapport au truc avec le flacon et l'ivresse... J'ai bondi de ma chaise et je crois bien avoir levé les bras au ciel, enfin au plafond de 2,50m, dans un geste... impromptu ! Ce soir-là j'ai eu 17 ans. Encore.

Ça, c'est pour le versant agréable. Forcément, à frapper au hasard, il y a quelques ratés. Pour les moins fortunés, ça passera par une reprise à la radio. Du blasphème au massacre, c'est selon, mais rappelons aux plus jeunes générations qu'À nos actes manqués n'est pas une chanson de M. Pokora (au passage, si quelqu'un pouvait l'enfermer dans un endroit où ses tatouages ne lui serviront pas à s'évader), pas plus que Je l'aime à mourir n'est l'œuvre de Shakira... Avant d'avoir envie de se crever les tympans au critérium ou au compas, on repense à Goldman et Cabrel et à tous ces moments qui appartiennent autant à nos parents qu'à nous, puisque c'est le propre des chanteurs qui traversent les générations... C'était bien.

C'est un sentiment qui a besoin d'être nourri, alors bien souvent, on essaie de se remémorer avec les moyens à dispo. Les photos, celles de classe. L'école primaire pour s'attendrir de ces bouilles rondes qui n'ont pas tant changé, le collège pour la dégaine improbable pull à carreaux-bas de survêt-Reebok Classics, et le lycée pour te souvenir que les lunettes qui te bouffent la moitié du visage t'avaient aussi servi à repérer la copine de classe de ta sœur qui te plaisait vraiment, mais que t'as jamais osé aborder…

Il y a une question implicite dans tout ça : est-ce qu'on ne sera finalement jamais aussi heureux que dans ces moments-là, où l'on pouvait se permettre le luxe de l'innocence ? C'est peu ou prou ce qui touche le héros de Minuit à Paris, la maladie de l'âge d'or, cet attachement excessif au passé.

Ça m'apparait comme quelque chose de terriblement naturel, un peu comme si j'étais le pont de Tacoma et que ces belles années étaient les seules à connaitre ma fréquence de résonance.

Je recherche sciemment cet état. Un peu comme un logiciel après un plantage qui se restaurerait au dernier point de bon fonctionnement. Je me fixe un souvenir de bonheur parfait ancré dans ma mémoire. Comme cette boum où tu étais resté sagement assis parce que tu avais un peu honte de te lever pour danser, mais tu avais quand même fini par le faire pour traverser la pièce et aller offrir un verre de Banga à la jeune fille assise à l'autre bout du salon. Tu ne savais pas quoi lui dire, mais tu trouverais, tu la complimenterais sur sa robe, lui tendrais le verre et entamerais peut-être même un slow avec elle. Avant de partir, elle te ferait un baiser sur la joue et ça deviendrait le plus beau jour de ta vie pour plusieurs années. Mais ça, tu le savais pas encore. Parce que trouver la fréquence de résonance pour nous faire vibrer, les filles aussi savent le faire...


black-and-white-couple-old-shadows

14 thoughts on “Objects in the rear view mirror may appear closer than they are…”

  1. We all have our own time machines, some take us back to moments we call memories, others take us forward to moments we call dreams...
    Dire que dans vingt ans on pensera sûrement qu'à trente ans on était finalement encore vachement innocent !!!

  2. Jolie citation ! C'est fort probable, cela dit je pense que la différence 30-50 sera beaucoup moins importante que 15-30 par exemple...

  3. J'aime aussi.

    Oui je pense, mais j'aime à croire que je puisse encore baigner dans l'innocence sans en avoir conscience :)

  4. Chaque âge de la vie apporte des petits moments de bonheur éphémère... Ils sont différents de ceux d'antan, mais n'en sont pas moins intenses... Je dirais même qu'ils sont meilleurs...! Personnellement, je préfère ma vie d'adulte à mon adolescence... L'enfance est un monde à part il est vrai...

    Benoît G.

  5. Bien choisie, la photo !
    Le temps qui passe, l'innocence qui trépasse, la nostalgie qui repasse...ça me touche...par contre, les tatouages de M.Pokora vont lui rester, et quand arrivera le moment où ce ne sera plus de mode ?... Vous avez raison de ne pas succomber à la tatoumania !

  6. @Benoît : Oui, je crois que vous avez raison, mais je n'ai pas encore fait complètement le chemin qui mène à cette conclusion. J'ai toujours tendance à me réfugier dans les souvenirs quand le présent tape un peu fort...

    @Anonyme : Merci !

    @Elléa : Je cherche encore dans quel univers sa musique pourrait être à la mode, donc pas trop d'inquiétude à avoir pour ses tatouages...

  7. Vous parlez dans votre texte d'un "attachement excessif au passé"... L'adjectif est bien choisi... C'est excessif! Mais tout à fait compréhensible. On ne construit bien son présent, et donc son futur, qu'en ayant bien à l'esprit ce qui nous a construit, l'endroit d'où l'on vient, ce que l'on à vécu. Les bons souvenirs (mais je dirais aussi les mauvais!) doivent être cultivés, mais il ne faut jamais oublier de vivre au présent à 100%...! Les moments de bonheur, c'est ceux qui arrivent....! Mais je prêche un convaincu je pense, malgré ce "chemin" pas totalement accompli.
    J'ai l'air de donner des leçons, mais croyez-moi, ce n'est pas le cas. Je suis en réflexion aussi!

  8. C'est ce que je me dis souvent, on ne construit pas une maison en commençant par le toit. Vous mettez le doigt sur quelque chose : la nostalgie devient dangereuse lorsqu'elle empêche de vivre pleinement les moments présents. C'est à cela que je vois que je ne suis pas tout à fait condamné :)

  9. Trop bien cet article ! cela me fait penser à "mistral gagnant" mais la chute est plus ouverte vers le futur... car Renaud a eu une enfance très heureuse et il la regrette fortement...

    ... moi je ne pense pas souvent au passé mais c'est une bonne habitude à prendre de nourrir la bonne nostalgie, je viens de fixer quelques souvenirs de bonheur parfait ancrés dans ma mémoire cela fait du bien !

  10. Merci à toi ! Ça vient d'un des humoristes de la bande de Jamel et ça vaut donc ce que ça vaut, mais j'ai entendu cette très jolie phrase : "la nostalgie, ce n'est pas vivre dans le passé, mais avancer avec ses souvenirs."

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