Cahier de Mondial 2018 – Entrée #32 : “Et les villes s'éclabousseraient de bleu…”

Rembrandt Harmenszoon van Rijn - à vos souhaits - est né le 15 juillet 1606 à Leyde. Parce que la Postérité avait autre chose à faire que néerlandais LV2, elle a choisi de coucher uniquement son nom de baptême sur ses registres. Peu de gens le savent, mais avant de se lancer dans la composition de génériques de séries télévisées avec ses homonymes, le garçon a connu une honnête carrière de peintre. Ayant reçu très jeune la vocation - le fameux appel à Leyde -, il est l’un des artistes les plus importants de son époque et des suivantes, parangon de l’école hollandaise. Eh oui, cette contrée n’a pas fourni que des campeurs invétérés, des échoppes où consommer une variété de pousses issues de l’agriculture biologique ou des footballeurs macrocéphales. Cette contrée, donc, a également engendré de brillants créateurs, à l'image de « John » Hendrikus Hubert de Mol, considéré comme le fondateur de la télé-réalité moderne. Vincent Willem van Gogh aussi, big brother de Theodorus dit Theo - les van Gogh, c’est l'équivalent des Hernandez : l'aîné a pris le talent, le petit frère Théo, les miettes. Célèbre pour s’être coupé l’oreille, mais pas que, son héritage est émaillé de plus de toiles que le CV d’Apoula Edel. Parmi ces dernières, celle qui a servi d’inspiration à l’affiche du film de Woody Allen, Midnight in Paris : La Nuit étoilée. Un tableau daté de 1889, réalisé alors qu’il était pensionnaire d’un monastère des Bouches-du-Rhône. Il représente un paysage provençal nocturne vallonné dont le ciel occupe la majeure partie, dominant un village d'une poignée d'âmes. Au premier plan, un cyprès fait la jonction entre la terre et la voûte céleste constellée de l’astre lunaire, de nébuleuses et d’étoiles entourées d’un halo fait de touches de peinture qui donnent une réelle impression de mouvement à l’ensemble.
Quelque 47000 nuits plus tard, c’est au tour de l’équipe de France de vouloir peindre une étoile supplémentaire à son firmament, après celle obtenue il y a 7300 dodos. En ski, le test de passage de la deuxième étoile consiste en “l’enchaînement de virages élémentaires affinés sur un parcours matérialisé.” Que l'on ne s'y trompe point : pas de tout schuss prévu. La talentueuse équipe croate rêve d'être l'ombre... au tableau et ne compte certainement pas dam(i)er la piste bleue. Un septième et dernier virage tout sauf élémentaire à négocier afin, peut-être, de dérouler des kilomètres de vie en rose...



France-Croatie-15072018

FRANCE 4-2 CROATIE / MANDŽUKIĆ (CSC) 18’, 69’, PERIŠIĆ 28’, GRIEZMANN (P) 38’, POGBA 59’, MBAPPÉ 65’

Bon sang, mais c'est bien sûr !

C'est un ressort par trop usité, une manœuvre à peine digne d'un téléfilm postprandial : la séquence de révélation où le spectateur découvre l'identité du méchant. Le masque tombe, dévoilant un personnage présenté aux prémices de la péloche dont personne ou presque n'a conservé le souvenir. Sans doute le Comité d'Organisation passe-t-il ses après-midi sur M6 ? L'avant-match est en effet marqué par le retour de l'écrin confectionné par la maison française de maroquinerie de luxe que l'on avait croisé lors du premier épisode. C'était il y a un mois, y a un siècle, y a une éternité. Recevoir des nouvelles des anciens est appréciable, a fortiori en période de fortes chaleurs potentielles.

La mallette en titane renferme toujours le trophée mais, plot twist, elle a changé de gardiens : Iker Casillas, vainqueur 2010, cède sa place à Philipp Lahm, le premier à l'avoir soulevé il y a 4 ans, accompagné de Natalia Vodianova, déjà présente en ouverture. La manipulation de la Coupe étant réservée aux lauréats ainsi qu'aux chefs d'État, la top-modèle se contente d'agiter le bras droit en l'air, saluant indistinctement les 78000 spectateurs d'un geste vague tandis que l'ex-capitaine de la Mannschaft la porte jusqu'au podium - la Coupe, pas Natalia. Niveau stats, ça fait une Russe en finale...

Les haut-parleurs de l'enceinte moscovite diffusent The Ecstasy of Gold ; fort à propos car “ce trophée qui mesure 37 petits centimètres de haut, qui pèse un tout petit peu plus de 6 kg, qui est composé d'or pur à 75% et ce trophée, c'est le trophée dont rêvent tous les gosses et tous les joueurs de foot à travers le monde. C'est le trophée dont rêvent aujourd'hui 23 Bleus d'un côté, 23 Croates de l'autre. C'est le trophée qui n'appartiendra plus à l'Allemagne et qui appartiendra peut-être à la France pendant 4 ans ou à la Croatie pendant les 4 prochaines années...” L'occasion de constater que l'élégante prose de Grégoire Margotton épouse à merveille les envolées lyriques de la partition du Maestro Morricone. N’empêche, le calvaire de Leone s'il avait dû filmer 22 mecs cavalant entre les croix du cimetière de Sad Hill...

On sait rien, on espère tout.

Parfois, la lumière au bout du tunnel où les joueurs patientent prend la forme d'une fulgurance empreinte de justesse. Afin de résumer l'état d'esprit qui les anime à cet instant précis, Bixente Lizarazu décoche cette jolie formule : “On sait rien, on espère tout.” L'inspiration colle au Basque.

Le protocole fait s'enchaîner La Marseillaise et Lijepa naša domovino. Heureusement, personne n'a demandé à Lahm de chanter l'hymne. Mauvais souvenirs.

L'arbitre de la rencontre, M. Pitana Néstor procède au toss entre les deux capitaines ad hoc. C'est la formation au damier qui engagera la poursuite de l'étoile mystérieuse dans l'ultime opposition au pays des Soviets.

18’ : Kylian Mbappé tente le râteau devant Ivan Perišić et s'en prend un. L'ailier lance le contre de sa moitié de terrain mais manque sa relance, interceptée par Raphaël Varane. Le défenseur français trouve Antoine Griezmann dont le contrôle et le pivot enchaînés surprennent Marcelo Brozović, coupable d'une faute. Le coup franc est le frangin jumeau de celui obtenu contre l'Uruguay. Il est frappé de la même manière, brossé rentrant. À l'arrivée, le résultat est identique, sauf que c'est Mario Mandžukić qui pique le boulot de Varane, lobé, et décroise sa tête dans le petit filet de sa propre cage. Des jumeaux hétérozygotes, donc. (1-0)

Le CSC de Mandžukić allume la mèche dans cette partie, la première à éclairer la nuit...

28’ : Projection croate à la récupération. La percée plein axe de Perišic est stoppée irrégulièrement par N'Golo Kanté. Biscotte. Le coup franc est botté par Luka Modrić vers le second poteau. L'arrière-garde tricolore joue à un, deux, trois, soleil, laissant son adversaire remporter un, deux, trois duels aériens jusqu'à la remise de la semelle de Domagoj Vida pour Perišić. Crochet du droit pour effacer Kanté, minasse du gauche pour battre Lloris. (1-1)

Alors que son sélectionneur demeure stoïć, les mains dans les poches, Perišić relève son short et pointe le quadriceps qui lui a permis de canarder le misérable Hugo.

Le début de rencontre de Kanté est inférieur à ses standards habituels, eux-mêmes supérieurs à ceux du T-1000. Emprunté, il est pris 2 fois en défaut sur cette action. La dernière personne à l'avoir éliminé aussi facilement, c'est La Dèche, de la feuille de match de la finale de l'Euro. NG, NG, when will those dark clouds all disappear...

38’ : Long dégagement de Lloris vers Mbappé. La profondeur est mal gérée par Vida, contraint à dévier en corner du sommet du crâne. Il est à nouveau frappé par Griezmann. Blaise Matuidi rate le cuir, qui échoue sur la main gauche de Perišić, victime d'un mauvais réflexe. Entre le moment où le directeur de jeu a tracé un rectangle imaginaire de ses deux index et celui où Griezmann a pris Danijel Subašić à contre-pied, 3 minutes et 25 secondes se sont écoulées. (2-1)

Les Bleus bénéficient de cette innovation pour la deuxième fois après le penalty inaugural contre l'Australie. I'm (not) tired of using technology... ♫. Pas besoin d'assistance vidéo, en revanche, pour infliger au numéro 7 les 2 ans de suspension que sa célébration mérite.

18, 28, 38, les 2 équipes ont effectué le 3 x 8. En accord avec l'entreprise de destruction du droit du travail amorcée par le Gouvernement, les 11 heures de repos consécutives impératives entre deux journées de labeur se réduiront ici au quart d'heure de pause syndical. Merci, La Direction.

39% de possession, 1 tir, 2 buts inscrits. La France rejoint les vestiaires en tête. Braquage de la décennie : ni armes, ni violence et sans haine. Pourtant, Nice n'est pas dans le VAR...

Il y a une petite étoile au-dessus du stade Loujniki et elle brille très, très fort pour les Bleus !

48’ : Superbe claquette de Lloris sur un tir d'Ante Rebić sous la barre. Bien mal acquis profite comme jamais.

52’ : Paul Pogba alerte Mbappé couloir droit. Il prend de vitesse Vida, se rééquilibre, et voit sa tentative repoussée du pied par Subašić. Le gardien monégasque a réussi un arrêt ! L'événement est tel que plusieurs membres des Pussy Riot font irruption sur le pré, l'une d'entre elles parvenant à claquer un double high five à Mbappé avant de se faire expulser sans ménagement. Se faire exclure après avoir effleuré un pensionnaire du PSG, qui a dit que l'arbitrage Ligue 1 ne s'exportait pas ?

54’ : N'Golo Kanté est remplacé. Il est petit, il est gentil, il a laissé jouer Steven Nzonzi... ♫

Le plan de coupe du cadreur montre Gianni Infantino, marqueur en main, sur le point d'apposer sa signature à un ballon, assis entre Jupiter et Poutine. Le Ballon, la Brute et les Truands.

59’ : La rentrée de touche de Lucas Hernandez lobe Matuidi. Olivier Giroud remet de la tête à Steven Nzonzi. Nzonzi appuie sa tête pour Griezmann. Griezmann, toujours de la tête, réussit à transmettre dans l'axe à Pogba. Sans contrôle, le milieu de Manchester United adresse une passe laser fouettée de l'extérieur du pied qui fuit les défenseurs centraux pour trouver Mbappé dans sa course. KMB travaille Ivan Strinić, centre en retrait pour Griezmann, qui s'amuse et jongle, puis donne à Pogba à l'entrée de la surface. Sa tentative du cou-de-pied est contrée par Lovren. Qu'à cela ne tienne, la sphère lui revient et il place délicieusement son intérieur du gauche sur la droite de Subašić, à nouveau battu, qui tombe littéralement à la renverse. (3-1)

65’ : Matuidi ► Griezmann ► Nzonzi ► Pogba ► Hernandez ► Matuidi ► Pogba ► Nzonzi ► Pogba ► Hernandez ► Mbappé. Contrôle / pas d'ajustement / frappe précise.  Premier but d'un teenager en finale de Coupe du monde depuis Pelé. (4-1)

69’ : Pendant que Liza fait du Thierry Roland à parler de tout sauf du match, le gang des Lyonnais fomente son dernier larcin. Le modus operandi ?

▲ La passe en retrait a priori anodine de Samuel Umtiti
▲ Le contrôle manqué de Lloris
▲ Le crochet idiot

Mandžukić, qui n'en demandait pas tant, relance la Croatie. Super Mario > Hugo délire. (4-2)

La 69e, une minute pas nécessairement pertinente pour remettre son équipe la tête à l'endroit...

Auteur de parades salvatrices suivies d'une boulette, Hugo Lloris valide son carton d'invitation à  la soirée à thème « De Héros à Zéro ». Il permet dans le même temps à Mario Mandžukić, préalablement buteur contre son camp, de s'asseoir à la table où les attend Ivan Perišić depuis 45 minutes, buteur également puis fautif sur le penalty.

Les ultimes velléités sont trop imprécises pour infléchir un scénario cousu de fil bleu et brodé d'or. Forts d'un match non-maîtrisé de bout en bout et d'une efficacité inversement proportionnelle à leur domination, les Deschamps' Eleven font sauter la banque.

La cérémonie de remise de la Coupe s'achève sous le déluge qui s'est abattu entre-temps sur la capitale russe. C'était déjà le cas du tout premier match de préparation des Bleus face à l'Irlande, en mai dernier, à 2500 kilomètres de là. Comme un symbole...

Elle a mis le temps, mais 20 ans plus tard, la valseuse est revenue tournoyer dans un autre bal...

À тантôт…

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