Cahier de Mondial – Entrée #27 : “Crew zéro, Belo Horizonte”

Le 5 novembre 2003, le Deportivo La Corogne se déplaçait en Principauté pour y affronter l’AS Monaco dans un match comptant pour la phase de poule de la Ligue des Champions. Le score fut sans appel : 8-3 pour des Monégasques qui menaient déjà 5-2 au repos. Le plus dur à encaisser pour les Espagnols étant peut-être le quadruplé inscrit par Dado Pršo, joueur dont l’allure et l’agilité n’évoquaient pas tant les joutes footballistiques que les productions pour adultes… Cela n’avait pas empêché les Galiciens d’effectuer un beau parcours et de se hisser jusqu’en demi-finale, éliminés par le futur vainqueur de l’épreuve – et tombeur de l’ASM –, le FC Porto. Ce soir-là, ils arboraient pour la première fois un seyant maillot orange et bleu, très éloigné des couleurs traditionnelles du club. Pour la dernière fois aussi : on raconte que la cargaison de tuniques fut brûlée sitôt le retour, histoire d’éloigner la guigne… On le sait, superstition et sport de haut niveau entretiennent des relations très étroites. En ce sens, les organisateurs brésiliens ont souhaité retarder au maximum la pression d’une rencontre au Maracanã pour la Seleção. Gageant qu’elle terminerait première de son groupe, elle devait n’y entrer que pour l’éventuelle finale. On peut doucement sourire à cette prévenance lorsque l’on sait la pression monstre que s’est auto-infligée la sélection auriverde au point que Felipão fasse appel à l’une de ses amies psychologues dans le but de regonfler le moral de ses troupes. Son nom : Regina Brandão. Ce n’est même pas une vanne, pas plus que le poutrage en règle infligé par d’impitoyables Allemands sur la pelouse de l’Estádio Mineirão de Belo Horizonte. Un stade qui fut le théâtre de la dernière défaite brésilienne sur son sol en match compétitif il y a près de 39 ans. Niveau conjuration du sort, il fallait peut-être commencer par éplucher les livres d’histoire d’abord, non ?

BRÉSIL 1-7 ALLEMAGNE / MÜLLER 11’, KLOSE 23’, KROOS 24’, 26’, KHEDIRA 29’, SCHÜRRLE 69’, 79’, OSCAR 90’

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Les Allemands ont inscrit un but de moins que les joueurs du Rocher (les nuls !), mais ces deux rencontres sont assez proches en ceci qu’elles échappent à toute logique ou raison ; des OVNI en quelque sorte. OL/OM mis à part, je n’avais plus vu ça depuis un match amateur de coupe d’Île-de-France disputé un dimanche matin et perdu 13-1. Aligné en attaque, j’avais dû être parmi les joueurs de mon équipe ayant touché le plus de ballons puisque je me chargeais de l’engagement…

Histoire de se saborder comme il se doit, les joueurs brésiliens avaient décidé de brandir le maillot de Neymar pendant le désormais coutumier hymne a cappella déjà très engageant. Une attention envers leur coéquipier blessé par un Colombien qui rappelle les plus belles heures du portrait d’Íngrid Betancourt sur le parvis de l’Hôtel de Ville…

En quelques gestes simples tout au long de cette Coupe du monde, la sélection sud-américaine s’est spécialisée en pression. Pas autant que son adversaire du jour néanmoins. On était loin de se douter de la mise en bière qui nous attendait…

11è : le corner de Kroos trouve Müller seul à l’entrée des 5,50 m. Le joueur du Bayern, auteur d’un appel-contre appel malin alors que tout le monde a plongé premier poteau, a tout le temps d’ajuster sa reprise de l’intérieur du pied droit pour battre Júlio César. Tu quoque mi filou(0-1)

23è : plan à 3 Kroos/Müller/Klose au cœur de la surface adverse qui permet au plus âgé des 3 de doubler la mise en deux temps. De doubler Ronaldo par la même occasion en devenant avec 16 réalisations le meilleur buteur de l’histoire de la compétition. Pas de salto, juste une glissade pour fêter ça. Foirée aussi, oui… (0-2)

24è : Lahm prend le couloir côté droit, adresse un centre que Müller rate complètement. Le ballon arrive jusqu’à Kroos qui aligne le portier d’une frappe fouettée du gauche. (0-3)

26è : dans la foulée, Kroos récupère un ballon dans les pieds brésiliens, le transmet à Khedira qui le lui rend pour lui permettre de signer un doublé dans la cage vide. Le Brésil, terre d’accueil des ressortissants allemands depuis 1945… (0-4)

C’est le moment que choisit le réalisateur pour nous montrer ce plan déchirant d’un gamin binoclard brésilien qui pleure en se frottant les yeux et en respirant dans son Coca. KAMOULOX, mais l’une des plus poignantes images de ce Mondial…

29è : Özil et Khedira enfilent le TuTu (Turquie/Tunisie) pour un pas de 2 sans trop d’opposition. Le Khedira de l’Opéra est à la conclusion. (0-5)

4 buts en 6 minutes, la partie prend des allures de Blitzkrieg. Symbole de la domination allemande, c’est le milieu dit “défensif” qui se retrouve aux premières loges pour planter. Enfin aux premières loges, après la défense brésilienne et son dernier rempart s’entend… Je suis un peu dur, jusqu’au retour aux vestiaires, plus rien ne sera marqué. 16 minutes vierges de but, la plus grande période de disette de cette première mi-temps : l’Allemagne va devoir se ressaisir.

69è : de nouveau aux avants-postes, Khedira trouve Lahm qui sert parfaitement Schürrle aux 5,50 m. Un set zéro, balles neuves. (0-6)

C’était la minute érotique, et c’est le joueur de Chelsea qui a chopé le 0-6. Veinard.

79è : LE CHEF D’ŒUVRE ! Lancé sur le côté gauche, proche de la ligne de touche, Müller remet instantanément vers l’axe du terrain dans la course de Schürrle qui enchaine un contrôle aérien et une demi-volée du gauche dans la première lunette de Júlio César. C’est extra ! (0-7)

Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que pendant ce temps-là, Manuel Neuer – tel le proviseur acariâtre d’un lycée coté – est intransigeant à l’autre bout du terrain. Il repousse toutes les tentatives avec force conviction malgré l’ampleur démesurée du score. Typiquement le genre de gardien qui ne laisserait pas marquer un mec dont ce serait le jubilé…

90è : Oscar se joue de Boateng un peu léger sur le coup et brise les espoirs de clean sheet de Neuer. Salaud. Ce qui s’appelle sauver le déshonneur. (1-7)

Au coup de sifflet final, les joueurs brésiliens se sont agenouillés au sol les bras levés, probablement pour implorer le ciel, celui-là même qui venait de leur tomber sur la tête. C’est toute l’ironie de cette situation symboliquement contenue dans le nom de la cité brésilienne qui a abrité la débâcle : Belo Horizonte…

À tantão…

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