Cahier de Mondial 2018 – Entrée #8 : “Smells like teen spirit…”

Tous les astronomes en culottes courtes le savent : le 21 juin est la date la plus fréquente du solstice d’été dans l’hémisphère nord. C’est le jour le plus long de l’année. La soirée et la nuit, elles, sont consacrées à la Fête de la musique depuis 1982. Cela tombe bien car en feuilletant les pages de l’éphéméride, on découvre qu’Amel Bachir, dite Amel Bent, est née un 21 juin 1985. Révélée par une émission de télé-crochet dont elle prit la troisième place, elle matraqua les ondes de sa non-sélénophobie au cours des mois qui suivirent. En 2007, elle fit paraître le titre À 20 ans, single éponyme de son deuxième album. Il est interprété en duo avec Mélanie Georgiades, dite Diam’s, et s’inspire fortement du standard de Charles Aznavour, Hier encore, jusque dans l’instrumentale faisant la part belle aux cordes. Cette double décennie ne fascine pas uniquement ce duo et l’autre Grand Charles ; à bien y regarder, c’est un thème omniprésent dans le répertoire français. Par ordre alphabétique et sans avoir la prétention d’être exhaustif, on peut citer Salvatore Adamo, Alizée, Jean-Louis Aubert, Pierre Bachelet, Georges Brassens, Jacques Brel, ♥ Francis ♥ Cabrel ♥, Calogero, Yves Duteil, Gaël Faye, Léo Ferré, Serge Gainsbourg, Lys Gauty, Jean-Jacques Goldman, Johnny Hallyday, Françoise Hardy, IAM, MC Solaar, Mickaël Miro, Nèg’ Marrons, Orelsan, André Perchicot, Lorie Pester, Serge Reggiani, Sheila, Berthe Sylva, Téléphone, Charles Trénet, Zazie... Ils ont tous, dans leurs textes, évoqué cet âge symbolique sous divers prismes : nostalgie, mélancolie, regret, espoir, résolution… Quand on chante on a toujours 20 ans !
Quand on marque en Coupe du monde, on a parfois moins. En inscrivant l’unique réalisation d’un éprouvant France-Pérou ce jeudi, Kylian Mbappé a rejoint le cercle fermé des ados buteurs en Mondial. S’il reste loin du record de Pelé, il devient cependant le plus jeune joueur français à scorer dans un tournoi majeur (Coupe du monde et/ou Championnat d’Europe des Nations). Cet exploit vaut bien une qualification, sans doute !


Danemark_Australie_21062018

DANEMARK 1-1 AUSTRALIE / ERIKSEN 7’, JEDINAK (P) 38’

Pour cette deuxième journée du groupe C, Danois et Australiens s’étaient donné rendez-vous à Samara.

La Danish Dynamite fait parler la poudre dès l’entame. Jens Stryger Larsen joue une touche sur le côté gauche à destination de Thomas Delaney. Dos au jeu, le milieu contrôle de la poitrine et tente de prolonger derrière lui. Il est gêné par Tom Rogic dont la tentative de dégagement se mue en chandelle. Aaron Mooy veut éloigner le danger, mais sa tête atterrit directement sur Lasse Schöne, qui renvoie devant lui. Le ballon passe devant plusieurs joueurs jusqu’à Nicolai Jørgensen qui le contrôle de l’intérieur du pied, puis, sans le laisser retomber, sert de l’extérieur Christian Eriksen dans l’espace. La défense australienne est en retard, personne n’a anticipé le déplacement d’Eriksen, qui n’était pas téléphoné. Cela lui permet d’ajuster une demi-volée parfaite du tibia gauche. C’est surpuissant et ça file sous la transversale de Mathew Ryan, impuissant, qui plonge tout de même, en bon soldat... (1-0)

Il faut une demi-heure aux Verts pour réagir. Un corner côté droit est frappé sortant par Mooy vers le point de penalty. Il est repris de la tête par Mathew Leckie sur le poing gauche de Yussuf Poulsen. Les Aussies lèvent simultanément les bras au ciel, mais le directeur de jeu, M. Mateu, agite son index dans un geste impérieux. Il est cependant alerté rapidement par les arbitres assistants vidéo. VAR. Penalty. C’est la deuxième fois de suite que les adversaires de l’Australie touchent le ballon de la main dans leur propre surface. Y’a vraiment un effet rugby, là… Mile Jedinak le tire et prend Schmeichel à contrepied sur sa gauche. (1-1)

Il laisse éclater sa joie en bondissant, le visage dur et barbu, dans une attitude martiale. On est à mi-chemin entre le marsupial symbolisant sa patrie et le figurant de 300. Déjà 2 buts pour le capitaine sur penalty, le chéquier de l’Olympique Lyonnais frétille dans le tiroir de la compta. Sur le coup de pied de réparation, Kasper Schmeichel est parti tellement tôt que son père était encore joueur professionnel lorsqu’il a plongé.

Après cette égalisation, le Danemark ne sortira quasiment plus de son camp, laissant l’initiative à des Socceroos qui, malgré une bonne partie, devront se contenter de ce point.

Le premier Européen ayant vu la côte de l’Australie est le navigateur néerlandais Willem Jansz en 1606. Si l’on avait compté sur les joueurs danois de la seconde période, on attendrait encore…


France_Pérou_21062018

FRANCE 1-0 PÉROU / MBAPPÉ 34’

La sélection française a disputé son premier match le 1er mai 1904 contre la Belgique (3-3). La sélection péruvienne, le 1er novembre 1927 contre l’Uruguay (0-4). Depuis, ces 2 pays ne se sont croisés qu’à une seule et unique reprise, le 28 avril 1982. À chaque annonce de nouvelle rencontre, il doit y avoir un mec à la fédé qui prend un malin plaisir à hurler “c’est pas l’Pérou !
Lors de cet amical de 82 – perdu 0-1 par les Bleus –, Michel Hidalgo avait aligné un certain Michel Platini dans l’entrejeu. L’ancien numéro 10 de la Juventus Turin est né un 21 juin. Un signe ?

Comme il est de coutume de se présenter aux “inconnus”, la fédération andine avait adressé une jolie vidéo aux allures de lettre ouverte/manifeste/CV/carte de visite/rendez-vous à son homologue.

12’ : un autre ancien numéro 10 de la Juve s’illustre. La frappe lointaine de Paul Pogba rebondit devant Pedro Gallese et file de peu à côté. Pog6mètres.

14’ : le corner côté gauche d’Antoine Griezmann frappé sortant vers l’angle des 5,50m trouve la tête de Raphaël Varane. À nouveau, le ballon flirte avec le cadre.

16’ : ouverture de Varane à destination d’Olivier Giroud. L’attaquant de Chelsea remise de la tête à l’entrée de la surface de réparation pour la demi-volée de Griezmann. Bien que frappée du mauvais pied, et trop axiale, elle est repoussée avec difficulté par les genoux du gardien péruvien. Down on my knees/I’m begging you/Please please don’t beat me… Pas de problème, il y avait peu de chances que ça Ayo fond.

31’ : une-deux entre Christian Cueva et Edison Flores. D’une passe lumineuse, Edison décale son coéquipier dans le couloir gauche. Cueva efface Pavard d’un crochet extérieur, centre à ras de terre pour Paolo Guerrero, plus vif que Samuel Umtiti sur la prise de balle. Contrôle orienté, frappe du gauche, arrêt impeccable du tibia d’Hugo Lloris qui va drôlement vite au sol pour un centenaire.

33’ : en attente d’une solution, Pogba effectue un tour sur lui-même, adresse une balle piquée dans le dos de la défense péruvienne pour Kylian Mbappé. Le jeune attaquant veut conclure d’une aile de pigeon aérienne dos au but alors qu’il avait le temps de faire mieux. Le pigeon ne s’associe pas avec le condor.

34’ : Pogba récupère un ballon dans les pieds de Guerrero, le glisse entre 2 joueurs à Giroud dans la zone de vérité. Le numéro 9 reprend sans contrôle. Sa frappe est déviée par Alberto Rodríguez, lobe le portier et rencontre les pieds de Mbappé qui a bien suivi. Il peut conclure face à la cage vide, à quelques centimètres de la ligne de but. (1-0)

Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années”, comme l’écrivait ce dramaturge qui venait de loin. Depuis 1930, ils sont quelques-uns à avoir marqué en Coupe du monde avant de souffler leurs 20 bougies. Dans l’ordre de précocité :

1. PELÉ (Brésil), 17 ans et 239 jours, 1958
2. Manuel ROSAS (Mexique), 18 ans et 93 jours, 1930
3. Michael OWEN (Angleterre), 18 ans et 191 jours, 1998
4. Dmitri SYCHEV (Russie), 18 ans et 232 jours, 2002
5. Lionel MESSI (Argentine), 18 ans et 357 jours, 2006
6. Julian GREEN (États-Unis), 19 ans et 25 jours, 2014
7. Divock ORIGI (Belgique), 19 ans et 66 jours, 2014
8. Martin HOFFMANN (Allemagne de l’Est), 19 ans et 88 jours, 1974
9. Constantin STANCIU (Roumanie), 19 ans et 92 jours, 1930
10. TOSTÃO (Brésil), 19 ans et 171 jours, 1966
11. Kylian MBAPPÉ (France), 19 ans et 183 jours, 2018

43’ : au milieu, N’Golo Kanté joue pour Mbappé à droite. Le buteur lui rend le ballon d’une talonnade derrière son pied d’appui (depuis l’état-civil le jour de sa naissance, on ne sait pas faire simple dans la famille). Kanté trouve Griezmann dans l’intervalle aux 18 mètres. Le colchonero dévie sans contrôle pour l’autre colchonero, Lucas Hernandez, qui hésite à reprendre directement. Il se ferme l’angle en s’accordant une touche de balle supplémentaire, puis décoche une frappe du cou-de-pied. C’est repoussé des paumes par Gallese sur la poitrine de Giroud qui remet involontairement sur son latéral gauche dont la nouvelle tentative est complètement manquée.

50’ : mauvaise relance de Varane interceptée par Jefferson Farfán. Après un appui, il évite Griezmann avec de la réussite et libère latéralement pour Pedro Aquino. Le numéro 23 envoie une frappe limpide de l’extérieur du pied droit qui vient heurter la partie supérieure du poteau de Lloris qui semblait battu.

Quelques actions plus ou moins abouties émailleront la fin de la partie sans pour autant en modifier le destin. La France est qualifiée pour le tour suivant, le Pérou peut déjà plier les gaules à défaut d’avoir plié la Gaule…

La tunique de la sélection sud-américaine a la particularité de n’avoir jamais changé en 82 années d’existence. La bande diagonale rouge qui l’orne en partant de l’épaule gauche confine au mythe. Sur le blason reprenant les trois bandes verticales du drapeau, on peut lire les lettres FPF pour Federación Peruana de Fútbol. Les mêmes initiales que le fair-play financier, adopté par l’UEFA en 2010. Il fallait bien que ce soit un joueur du Paris Saint-Germain qui lui porte l’estocade...


Argentine_Croatie_21062018

ARGENTINE 0-3 CROATIE / REBIĆ 53’, MODRIĆ 80’, RAKITIĆ 90’+1

Peut-on s’arrêter juste un instant pour apprécier le niveau de détail de l’organisation russe ? Le toit du stade de Nijni Novgorod, théâtre de cet Argentine-Croatie, arbore un damier ciel et blanc, splendide double hommage à ces 2 sélections.

Argentine_Croatie_21062018

Dès le tirage au sort, on avait coché cette rencontre sur nos tablettes (le miracle de la technologie, c’est aussi de pouvoir utiliser cette expression pépouze en 2018) comme l’un des points d’orgue de ce premier tour. On espérait secrètement une joute dantesque entre 2 immenses – par le talent – footballeurs portant les mêmes initiales : le meilleur joueur du monde d’un côté, Lionel Messi de l’autre.

La toiture Lustucru semble ouvrir l’appétit des 22 acteurs. Enzo Pérez est le premier à bouffer la feuille d’un tir du gauche mal ajusté alors que le but était ouvert. Mario Mandžukić l’imite 3 minutes plus tard en dévissant sa tête plongeante sur un centre parfait de Šime Vrsaljko. Pour devenir super, il va falloir que Mario bosse…

Peu avant l’heure de jeu, Gabriel Mercado est en couverture sur un long ballon croate. Il donne en retrait à son gardien Willy Caballero. Au lieu d’allonger son dégagement, il tente de remettre à Mercado d’une passe lobée au-dessus d’Ante Rebić venu au pressing. Sauf que la balle ne prend pas du tout la trajectoire escomptée et se transforme en passe décisive pour l’attaquant croate qui punit le malheureux portier d’une somptueuse volée à l’équilibre parfait. (0-1)

La preuve qu’il ne faut jamais Ante Rebić, surtout qu’ils ont lancé des stylos 3 couleurs avec surligneur ou mine de crayon ces dernières années.

L’Albiceleste se procurera bien une opportunité d’égaliser à l’issue d’un mouvement Tagliafico-Acuña-Pérez-Higuaín-Meza-Messi, mais Ivan Rakitić commet un crime de lèse-majesté en taclant devant son partenaire de club. Le gaucher argentin se promet de ne pas omettre l’accent aigu sur le c terminal du nom de son coéquipier lorsqu’il le couchera sur la liste des transferts en regagnant l’hôtel.

Rebić trouve Luka Modrić face au jeu, à quelques mètres de la demi-lune – pas à Tassin. Le capitaine croate exécute une feinte de frappe afin de se défaire de Nicolás Otamendi sorti sur lui, une autre feinte – de corps –, se décale la balle sur son côté droit et, après 3 appuis, les épaules quasiment perpendiculaires à la ligne de but, déclenche une merveille de frappe enroulée tendue que Caballero ne peut qu’effleurer. (0-2)

Dans les arrêts de jeu, un contre croate part de la droite. Andrej Kramarić, qui a suppléé Mandžukić donne dans l’axe à Rakitić. Le joueur du Barça progresse balle au pied et dispose de 2 solutions : Mateo Kovačić à gauche, Kramarić à droite. Il choisit la troisième en solitaire et frappe depuis l’entrée des 16,50m. Caballero est à la parade sans pour autant capter le ballon. Il échoue à Kovačić. Croyant au hors-jeu, les Argentins s’arrêtent, laissant tout loisir au merengue de servir Rakitić entre le point de penalty et les 5,50m. Le numéro 7 s’applique pour glisser le ballon hors de portée d’Acuña, le seul a être revenu pour sauver Willy... (0-3)

La Croatie est qualifiée.

Dans le calendrier républicain, le 21 juin correspond au 3è jour du mois de messidor. Un moment, va peut-être falloir se réveiller…

À тантôт…

Leave a Reply

Envie de réagir ?

1/ Saisissez votre texte dans le cadre ci-dessous.
2/ Sélectionnez votre profil dans la liste déroulante : si vous disposez d'un compte (Google, etc.), identifiez-vous. Sinon, vous pouvez entrer un nom ou pseudo sous "Nom/URL".
3/ Cliquez sur "S'abonner par e-mail", pour être prévenu dès qu'une réponse sera postée.
4/ Enfin, cliquez sur "Publier". Job done!

Merci à vous !