Cahiers de cinéma - Entrée #11…

20 Ans d’écart (2012) de David Moreau
Niney qua non
Finalement, le plus gros risque, c’est David Moreau qui l’a pris en passant de l’épouvante à la romcom. Car malgré l’originalité souhaitée, ce 20 Ans d’écart suit très sagement les canons du genre. Si quelque charme il possède, il émane des interprètes : la fraîcheur de Pierre Niney (dont la prestation rappelle celle de Comme des Frères : attention au typecasting…), les seconds rôles savoureux (Charles Berling et Gilles Cohen en tête), mais surtout Virginie Efira ! J’ai l’habitude de répéter qu’acteur est un métier, et les gens du petit écran qui s’improvisent comédiens sur le grand m’exaspèrent en règle générale. Pas là. Pourtant son rôle n’était pas avare en potentiel “pétasse parisienne” : job de pimbêche, appart qui va bien, mais elle n’y démontre ni arrogance, ni pédanterie ; au contraire, elle est toute en doutes et humanité. Touché !

20 ANS D'ECART

Au Bout du Conte
(2012) d’Agnès Jaoui
Conte défait
Ceux qui pensent encore que le duo Jabac est le parangon d’un cinéma français bobo, ennuyeux et moralisateur, rappelez de suite vos chevaux, vous êtes loin… du compte. Ici, on est en face d’une œuvre d’abord assez curieuse avec son parti-pris de mélanger vie réelle et conte, puis assez emballante. Le discours sur les croyances est pertinent, la galerie de personnages plutôt délicieuse. Mention spéciale à Benjamin Biolay qui donne vie à un grand méchant loup carnassier mais séduisant. Bacri fait du Bacri en type blasé et grognon, mais le fait tellement bien. Il manque un petit quelque chose pour en faire une parfaite réussite, mais tel quel c’est un petit plaisir qui ne se refuse absolument pas tant il dénote dans le concert de machins téléphonés qu’on nous set à tour de bras.

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Side Effects
(Effets Secondaires) (2013) de Steven Soderbergh
Y’a prescription !
Le mec qu’a presque le même nom que Steven Spielberg est de retour. Le compte à rebours est déclenché car dans un élan Bessonnien, le réal binoclard dit à qui veut l’entendre qu’il va arrêter le cinéma. Prendre sa retraite. À 50 ans, en vrai fonctionnaire. La vanne est gratuite d’autant qu’il l’a plutôt jouée stakhanoviste au cours de sa future ex-carrière : un film par an en moyenne depuis 89. Le dernier en date (et l’avant-dernier en tout) est un petit thriller comme on faisait dans les années 90. On est en 2013. Dommage. Alors, oui, c’est bien fichu, mais on sait que SS n’est pas un manche. C’est très, très bien joué : Rooney Mara bluffante, Catherine Zeta-Jones (qu’il est agréable de revoir, même si c’est quand elle veut pour nous rendre sa sœur qui jouait dans Zorro) au taquet, et Jude Law toujours impeccable. Le LOL provient de Channing Tatum censé jouer un golden boy de la finance. Bon, en gros, l’exposition est un peu longue, quand le film démarre véritablement, on est accrochés… pour se dire “tout ça pour ça ?!” quand le générique final démarre. C’est dommage. À charge de revanche, Steven ! Pour ta dernière séance…

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The last Supper
(2012) de Lu Chuan
Je vais vous raconter un peu ma vie. Si vous vous en foutez, vous pouvez toujours avancer de quelques lignes… Au début du mois de mars s’est tenue la 15ème édition du Festival du Film asiatique de Deauville. J’ai eu la chance de gagner un pass journée pour y assister par le biais d’un concours organisé par un quotidien qui porte le même nom que l’endroit où il est le plus lu. Non, ce n’est pas La Tribune, je vous rappelle que les supporters de foot ne savent pas lire. Ni Le Monde, bande de petits malins ! Il est vert, gratuit et il ne faut pas un tiers d’heure pour le parcourir. Bref, c’est dans le cadre de ce joli festival que j’ai pu voir dans d’excellentes conditions – big up au comité d’organisation : si vous me lisez, je vous kiffe ! – The last Supper. J’ai lu un tweet il y a plusieurs mois qui m’a fait beaucoup rire. Il disait en substance : “En Chine, un concours de sosies a été organisé, tout le monde a gagné.” C’est raciste, mais ça me fait rire. Là où je veux en venir, c’est que dans le film, qui prend des libertés avec la chronologie et raconte des intrigues de palais relativement alambiquées, les acteurs se ressemblent et du coup, je n’ai pas compris grand chose. Je m’en veux un peu parce qu’autrement, la réalisation est vraiment splendide et le film a énormément de gueule. De gueules aussi malheureusement…

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Yi dai zong shi
(The Grandmaster) (2013) de Wong Kar-Wai
Leung live the King!
C’est le deuxième film que j’ai vu à Deauville (cf. The Last Supper juste au-dessus), celui pour lequel j’étais tout spécialement venu. Et comme si ça ne suffisait pas, la séance était en présence de monsieur Wong Kar-Wai en personne, qui a trainé sa carcasse, sa nonchalance et ses lunettes noires jusque dans la ville d’eau (il a beaucoup plu ce jour-là) pour y recevoir un joli hommage. Si je m’écoutais, je pourrais parler de ce film en n’utilisant que des interjections et onomatopées, mais je vais essayer de le faire en étant le moins groupie possible. C’est compliqué, croyez-moi… Un film de WKW, c’est toujours un événement. Quand en plus il s’attaque au kung-fu à proprement parler, que la bande-annonce qui traine sur le net promet énormément et que les festivaliers arty ne l’ont pas aimé, l’impatience est décuplée. Presque insoutenable. Alors, calé dans mon siège, j’ai ouvert grand les yeux et je me suis laissé porter. Il m’a fallu à peine quelques minutes et un combat sous la pluie d’une beauté renversante pour être conquis. On le sait, le reproche qui est souvent fait à WKW est d’esthétiser à outrance, et, là encore, on n’échappe pas à des plans ciselés et autres ralentis nombreux, mais cela donne comme toujours une allure folle au film. Chaque scène de combat semble touchée par la grâce, à l’image de ce pas de deux exécuté par Zhang Ziyi et Tony Leung où les corps se frôlent en même temps que les cœurs et les âmes. À l’origine, le film devait s’appeler The Grandmasters et évoquer la destinée de plusieurs maîtres en arts martiaux. Cette information est essentielle pour bien appréhender le résultat du montage final qui apparait comme décousu bien qu’en fait très cohérent. On regrette à ce propos le peu de scènes accordé au personnage de “La lame” de par l’élégance et le charisme qu’il renvoie même si c’est la force de ce Grandmaster, de développer chaque personnage, de leur offrir une vraie histoire personnelle, de vraies motivations à agir comme ils le font, et ce en peu de temps. Il est bien aidé en cela par des interprètes d’exception : Tony Leung impressionne tout en retenue et il ne me semble pas avoir déjà vu Zhang Ziyi si fascinante et touchante. Ce n’est pas un film de kung-fu, c’est d’abord et surtout un film de Wong Kar-Wai où la mise en scène léchée et virtuose souligne la destinée de personnages qui se croisent, se rencontrent, le tout mâtiné de nostalgie et dans une grande mélancolie qui résonne fort en nous. Sublime.

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Amour et Turbulences
(2012) d’Alexandre Castagnetti
Flight for love
Pour résumer rapidement le pitch au cas où vous auriez un vol à prendre, deux anciens amants se retrouvent par hasard (la magie du cinéma) dans le même avion (assis côte à côte sinon c’est pas drôle) qui doit les “conduire” de New York à Paris. Lui, veut en profiter pour tenter de la reconquérir, elle, ne l’entend pas exactement de cette oreille. Ni de l’autre, d’ailleurs. Allez, c’est parti pour une nouvelle comédie romantique, avec l’aval de ma tour de contrôle perso qui autorise le décollage, avide d’originalité dans un genre qui en manque cruellement. Disons-le de suite, c’est plutôt réussi. C’est frais, léger, et bourré de charme à l’image du couple-vedette. Et pourtant, ça partait de loin : je déteste cordialement Nicolas Bedos, son visage de statue de cire, son air pédant et je ne suis pas particulièrement fondu de Ludivine Sagnier. Mais force est de constater que l’alchimie fonctionne, bien aidée par le parti-pris de narration (le huis-clos de l’avion est contourné par le résumé de leur histoire d’amour en flashbacks successifs avec points de vue alternés) qui permet occasionnellement au film de sortir d’un schéma archi-classique. Une réalisation dynamique, des seconds rôles convaincants (la relation mère/fille Célarié/Sagnier plutôt bien vue, Jonathan Cohen irrésistible…) font de cet Amour et Turbulences une excellente surprise.

AMOUR & TURBULENCES

The Place beyond the Pines
(2012) de Derek Cianfrance
Direction France ?
Je voulais tellement l’aimer ce film… J’avais adoré Blue Valentine, le précédent de Derek Cianfrance, j’avais adoré la bande-annonce de ce nouvel opus qui avait un côté envoûtant avec les quelques notes qu’elle empruntait à la bande originale de La Solitude des Nombres premiers (merci Google !) Comme on le répète souvent, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Je suis passé à côté, quasiment du début à la fin. J’ai eu l’impression de voir un réal dépassé par son sujet, avec l’ambition jamais assouvie de brasser un nombre de thèmes forts impressionnant. Peut-être que Cianfrance veut tourner chez nous… Film à revoir pour se faire une opinion définitive et appréhender pleinement la structure particulière en plusieurs parties…

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Ill Manors
(2012) de Ben Drew
Plan C
Ah les séances du Publicis ! Des films qu’on ne voit (presque) nulle part ailleurs dans une des salles les plus classes de la capitale. C’était encore le cas avec Ill Manors qui a la particularité d’être le premier film d’un rappeur londonien qui répond au pseudonyme de Plan B. Dans le genre polyvalent, le gamin fait fort puisqu’en 2010, il avait déjà sorti un album de chansons soul, prouvant qu’il avait un plan B au cas où sa carrière de MC tournerait court. Il a désormais un plan C comme cinéma tellement ce premier film est intéressant, intense et original. Rythmé par les interludes rappés par son auteur, il dépeint sans complaisance une journée dans les quartiers chauds de Londres autour de personnages pittoresques. La descente aux enfers est filmée nerveusement, cliniquement, sans artifices et plusieurs scènes sont éprouvantes. Le résultat est un petit OVNI qui n’a couté que 100 000 livres et est porteur d’au moins autant de promesses pour l’avenir de Ben Drew dans ce nouvel art.

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Oblivion
(2013) de Joseph Kosinski
Space Cruise
Joseph Kosinski, c’est le type qui a commis (é)Tron Legacy, c’est vous dire si le passif du gars est important. Quelqu’un qui avait un sens de la vanne extrêmement aiguisé s’est dit que ce serait une bonne idée de lui filer un nouveau projet de film de SF. Enfin d’anticipation, si on veut. Tom Cruise est de la partie cette fois-ci, et sans revenir à chaque fois sur ce que je pense de lui, c’est quand même un putain d’acteur ! Il avait déjà tâté du film futuriste chez tonton Steven une dizaine d’années auparavant, et ça a dû lui plaire car le revoilà gambadant sur une Terre désertée en costume grisonnant comme ses che… Ah non, la coupe de Tom est toujours impeccable ! Premier truc à dire : le film est bluffant visuellement, beau comme un Optimus Prime. La musique de M83, bien que sous influences, est assez remarquable et participe à l’ambiance de ce petit film dont on pourrait dire qu’on a déjà tout vu ailleurs et parfois en mieux. N’empêche que ça se suit plutôt bien malgré les lieux communs éculés (le rôle de Morgan Freeman, la dimension parano…)

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Cloud Atlas
(2012) de Tom Tykwer, Andy & Lana Wachowski
Cloudy with a chance of bullshit
On dit ici et là que Jean Dujardin et Gilles Lellouche seraient ce qu’il est convenu d’appeler vulgairement des queutards. Alors forcément, au moment d’écrire un film à sketchs, le premier thème qui leur vient à l’esprit est l’infidélité – masculine s’entend. Pour les Wachowski, c’est pareil, mais avec la philosophie. Enfin la philosophie de comptoir, car on sait depuis une trilogie qui a connu un certain succès populaire au début des années 2000 que ces personnes sont des arnaqueurs. J’entends des voix qui s’élèvent dans le fond et elles ont raison : ce n’est pas un scénario original, plutôt adapté d’un ouvrage de David Mitchell que je reconnais ne pas avoir lu. Du coup, je ne peux juger que de l’adaptation qui balance à tour de bras des inepties avec un aplomb tristement remarquable. Le pauvre Tom Tykwer a été embrigadé au passage par le duo polonais. Un bon pensum scientologue des familles qui fait mal au crâne. Si on vous impose ce truc et que vous voulez quand même vous amuser, vous pouvez toujours essayer de repérer quel acteur se cache derrière le maquillage des personnages de chacune des histoires parallèles. Personnages interprétés par les mêmes comédiens (Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Hugo Weaving, Jim Sturgess, Ben Whishaw, James D’Arcy, Susan Sarandon, Hugh Grant, etc.) C’est un bingo un peu chiant, mais au moins ça fera (un peu) passer le temps…

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Parker
(2013) de Taylor Hackford
My Taylor is cheap
Parker, c’est l’un des héros de Donald Westlake dont il a imaginé les aventures sous l’un de ses pseudonymes (Richard Stark). Il faut dire que le gars est aussi prolifique qu’éclectique et il devrait avoir une place de choix dans toute bibliothèque qui se respecte. Si vous êtes clients de polars farfelus, noirs ou d’histoires rocambolesques, allez-y ! Évidemment, ses créations ont un gros potentiel cinématographique et le dernier à s’y être frotté est Taylor Hackford. Dans une vaine tentative d’imiter le style d’un Hors d’atteinte de Soderbergh (humour, couple glamour dont l’une des deux moitiés est Jennifer Lopez…), il rame sévèrement avec cet objet filmique convenu qui ne vaut même pas le coup d’œil. Il est toujours agréable de revoir Jennifer Lopez, et je ne parle pas de son physique, promis ! Quant à Jason Tam-tam, le (tam)bourrin, en bon mec qui dit oui à tout, il fonce tête baissée et l’on devine d’ores et déjà que sa calvitie n’est pas due à un excès de questionnements existentiels. Autre conseil tant qu’on y est : si vous ne l’avez jamais vu, mettez la main sur Hors d’atteinte et regardez-le en boucle jusqu’à ce que vous le connaissiez… par cœur !

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L’Écume des Jours
(2013) de Michel Gondry
“Tout le monde savait que c’était impossible. Il est venu un imbécile qui ne le savait pas et qui l’a fait.” Marcel Pagnol
Ce classique était réputé inadaptable, mais cela n’a pas semblé effrayer Michel Gondry. En même temps, on voit mal qui d’autre que lui – Jeunet mis à part peut-être – aurait pu s’en charger. Sur le papier, en effet, le cinéma décalé, poétique et inventif de Gondry semblait l’écrin idéal pour la plume de Vian. Sur la pellicule, c’est un peu plus compliqué que ça. Ce n’est pas un chef d’œuvre, pas non plus un très mauvais film comme on a pu le lire ci et là. Difficile de reprocher l’exagération au cinéaste tant son adaptation est fidèle au bouquin. Et c’est certainement le point le plus dommageable : pur avoir trop voulu coller au matériau d’origine, le film manque par moments de la poésie qui jalonne l’œuvre de Gondry. Il a parfois un côté “mécanique” que de pourtant très jolies scènes ne parviennent pas entièrement à faire oublier. Selon moi, le casting féminin est en retrait (Aïssa Maiga est peu convaincante, Audrey Tautou, si elle a la douceur de Chloé, minaude) tout comme Omar Sy malgré son évidente bonne volonté. Ce sont Romain Duris et Gad Elmaleh qui tirent leur épingle du jeu. Un film à voir pour les trouvailles visuelles, les instants de grâce, le jusqu’auboutisme de l’adaptation (trash, noirceur…), et parce que c’est probablement ce qu’il était possible de faire de mieux à partir de ce roman.

ecumedesjours

The Great Gatsby
(Gatsby le magnifique) (2013) de Baz Luhrmann
Old school, new school
Faire du neuf avec du vieux, c’est la marotte de Baz Luhrmann. Après avoir – entre autres – dépoussiéré Shakespeare à coups de chemises hawaïennes, fait une incursion flamboyante dans le Paris de la fin du XIXè, voilà le réalisateur EELV qui s’attaque à l’œuvre de Francis Scott Fitzgerald, un type qui a embrassé les lettres alors qu’il avait un nom à squatter la Maison Blanche… Sur la forme, on est à la bonne adresse : plans chargés (la 3D est bien utile à ce propos), bigarrés, criards. Mais comme d’habitude, le bonhomme sait y faire pour rendre digestible ce qui serait passé pour de la surenchère chez n’importe lequel de ses collègues. Sur le fond, l’histoire de ce dandy touche parce qu’elle est terriblement d’actualité en même temps qu’elle porte un romantisme désuet qui finit par désarmer. À l’image de cette scène merveilleuse où un Gatsby – parfait DiCaprio – retrouve son amour de jeunesse, Daisy – Carey Mulligan, émouvante – après plusieurs années. C’est le prodige de Luhrmann : réussir à faire un film qui arbore une vraie sensibilité dans une enveloppe pourtant si chatoyante, extravagante. Son autre tic, c’est de s’appuyer sur des BO improbables. Ici, on a par exemple le droit à une reprise d’Amy Winehouse par le duo André 3000/Beyoncé. Et ça fonctionne ! Tout comme le sublime morceau de Lana Del Rey “Young And Beautiful” qui hante pendant et après chaque apparition car Gatsby n’est rien d’autre que cela : la nostalgie d’un passé résumée par la dernière ligne du roman : “So we beat on, boats against the current borne back ceaselessly into the past.”

GATSBYPOSTER

Jurassic Park
(1993) de Steven Spielberg
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Putain, 20 ans…
Ça fait un bout de temps que je considère Steven Spielberg comme mon réalisateur préféré, un peu comme un gamin dirait à son pote que c’est son meilleur ami. Ça a quelque chose d’arbitraire, parce qu’incomparable. Disons qu’il est un des rares à avoir su concilier ambition et spectacle sans que l’un ne vienne au détriment de l’autre, et en grand rêveur, il est bien difficile de coucher un autre nom dans cette case… Ressortir Jurassic Park en 3D, ça permet d’abord et surtout de revoir Jurassic Park, avec les mêmes yeux qu’il y a 20 ans (enfin presque, la myopie s’étant aggravée) et se rendre compte qu’il est toujours aussi pertinent, qu’il a extrêmement bien vieilli. Voir un blockbuster de cette qualité au milieu des catastrophes insipides, c’est comme ouvrir un paquet de Dinosaurus, et trouver, après avoir inspecté 3 sachets fraîcheur, le fameux protocératops avec le dos granulé…

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Les Gamins
(2012) d’Anthony Marciano
Crise d’adulescence
Le réalisateur-acteur-scénariste-producteur du navet intersidéral Sur la Piste du Marsupilami associé à un humoriste qui s’est fait connaitre en postant des vidéos sur YouTube. Dans le genre association qui fait peur, c’est pas mal. Sauf qu’Alain Chabat c’est aussi le réalisateur-acteur-scénariste d’Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, et que Max Boublil est drôle, contrairement à certains de ses collègues (Norman et Cyprien pour ne pas les citer). Du coup, ce couple de cinéma fait des étincelles, et on rit de bon cœur, beaucoup, et souvent. Pour une comédie actuelle, c’est un petit miracle, alors on passera sur le sentimentalisme convenu et maladroit, et on profitera de ce film tellement agréable qu’il semble bien parti pour supporter les multiples visionnages…

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Snitch
(Infiltré) (2013) de Rick Roman Waugh
Enfant du Rock
Dans la série “les gens font des trucs stupides pour aider leurs proches”, on connaissait Prison Break et Wentworth Miller qui se faisait tatouer les plans du pénitencier pour faire évader son frère, puis il y eut Mark Wahlberg et son opération de contrebande pour dédouaner (hin hin hin) son beau-frère dans Contrebande justement. Le dernier en date, c’est Dwayne “The Rock” Johnson qui ne trouve rien de mieux que d’infiltrer une organisation criminelle de trafiquants de drogue pour éviter l’incarcération de son beau-fils. Pas d’inquiétude, il a pris le temps de saisir “drug cartel” dans Wikipedia avant de se lancer. Bah ouais, faut pas déconner non plus… Sinon, c’est du niveau téléfilm M6 option rédemption avec quelques revenants qu’il est toujours appréciable de revoir : Susan Sarandon et Barry Pepper. Ça ne vole vraiment pas haut, et le contre-emploi de The Rock dans un rôle un peu plus subtil qu’à l’accoutumée est vaguement intéressant. Du direct-to-video très dispensable…

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Only God Forgives
(2013) de Nicolas Winding Refn
God forgives, I don’t.
Il est gentil Nicolas Winding Refn : avec ce titre, il fournit à tout le monde de la matière pour railler son nouveau-né. On prête à Gerd Müller, l’immense buteur allemand, la citation suivante : “Dieu pardonne, moi pas !” Quand on voit les stats de l’énergumène (68 buts en 62 sélections avec la RFA), ça calme. De la même façon, je n’ai pas vraiment envie de pardonner NWR pour ce film de branleur. J’étais venu chercher un peu du romantisme de Drive, un peu de ce lyrisme brutal, mais je n’ai rien trouvé si ce n’est un Gosling apathique qui traverse le film comme un ange de la téléréalité parcourrait du Umberto Eco. Il est chassé par un Thaïlandais énervé  mais zen qui alterne entre la boucherie et pousser la chansonnette sur des musiques de buffets chinois au karaoké du coin. À mi-chemin entre Top Chef et Nouvelle Star, quoi…

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Shotgun Stories
(2007) de Jeff Nichols
[REPRISE]
La haine est dans le pré
Le premier film de Jeff Nichols, responsable de l’excellent Take Shelter, met en scène une querelle entre deux fratries et pourrait aisément concourir au titre du film portant le plus mal son nom. Le rythme est lent, l’histoire se concentrant sur la tension psychologique et l’escalade de la violence. Intéressant pour les motifs qu’on retrouvera dans la suite de son œuvre, à commencer par Michael Shannon.

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Je Suis Supporter Du Standard
(2013) de Riton Liebman
Standardiste veut décrocher
Point people : j’ai passé la séance assis à côté de Dominique Armand et Stéphane Guy. Si vous ne savez pas qui sont ces gens, il n’y a que peu de chance que vous soyez “footballique” comme le héros du film. N’importe quelle autre addiction qui vous empoisonne la vie et vos rapports aux autres pourra être projetée sur le canevas qu’est cette petite comédie sympathique. Bon enfant, gentillet, anecdotique, comme ce vieux pote qu’on a vu 1 milliard de fois, qui ne nous surprendra jamais, mais nous fera tout de même passer un bon moment.

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Fast & Furious 6
(2013) de Justin Lin
Rapides et dangereux 6
Dans le précédent volet, le superflic auquel The Rock prête sa silhouette chargée aux stéroïdes finissait le briefing de son équipe par un “And above all else we don't ever, ever let them get into cars.” Sauf qu’à mesure que la franchise s’étire en longueur (6 épisodes et 12 ans), c’est précisément ce que l’on attend : les caisses, les poursuites, les explosions, le carnage routier… Parce qu’en dehors de cela, c’est au mieux risible si l’on prend le tout au douzième degré. Entre les conneries balancées sur la famille, les personnages caricaturaux, Vin Diesel qui cherche à caser des punchlines à chaque fois qu’il ouvre le bec, et la bêtise des situations, on est servis. On dirait presque un porno : un emballage bidon prétexte à faire patienter entre deux coups d’éclat. À croire que c’est Patrick Le Lay qui en est le scénariste… Parlons-en de l’action : pas aussi dingue que la poursuite dans Rio du 5, mais le cahier des charges est respecté avec en bonus cet instant hallucinant où Vin Diesel s’extirpe de son bolide, s’élance dans le vide pour rattraper Michelle Rodriguez en plein vol. Quelques secondes qui se posent là au rayon romantisme bourrin ! Fort heureusement, les morceaux de bravoure sont présents car en dehors, ça patine sévère. On essaie bien de nous expliquer que l’on souhaite passer à une franchise tout-terrain avec des gunfights de cour de récré et les deux bastons dont celle qui oppose Michelle Rodriguez à Gina Carano fera frétiller les hormones des jeunes adolescents, mais la vérité c’est que la série a les ailes qui touchent la piste et que la dernière partie du film en est une métaphore aussi éloquente qu’involontaire. À ce propos, dans le laïus en voix-off qui clôt l’épisode, nos gentils gangsters remercient le Big Kahuna pour les voitures rapides, en oubliant les pistes de décollage de 35 km…

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Pop Redemption
(2012) de Martin Le Gall
Métal lolant
Film de potes, road-movie musical, comédie, le premier long de Martin Le Gall – le goût – est tout ça à la fois. On suit les déboires d’un groupe de  black metal, plus gang de pieds nickelés qu’autre chose, en route pour jouer sur la scène du Hellfest. Évidemment, le chemin est plus long que prévu… Il faut oublier de suite la promesse d’un film déjanté : tout est ici très sage. Julien Doré s’en sort très bien, mieux que ses camarades de jeu qui rament un peu (Jonathan Cohen) quand ils ne jouent pas purement et simplement les utilités (Yacine Belhousse). Quant à Alexandre Astier, qui a participé à l’écriture, il s’est confié le rôle le plus naze en flic bougon, le genre de truc que je croyais réservé exclusivement à François Berléand…  Rien de transcendant, on est à la limite du téléfilm, même si ça reste plutôt sympathique. La vraie bonne idée, c’est cette séquence didactique qui explique les différents courants au sein du metal, car oui, aussi incroyable que cela puisse paraitre, il y a des nuances dans cette musique de sauvages !

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Star Trek Into Darkness
(2013) de J. J. Abrams
GG, J. J.!
Ressenti paradoxal à la sortie de la suite du premier volet du reboot de l’adaptation cinématographique de la série culte. Ouf ! Emballé, mais pas trop. Satisfait, mais pas comblé. Bien, mais pas excellent. Etc. Déjà, Jean-Jacques Abrams nous fait une Marvelite aiguë et se met à filmer penché. Soit… Puis, il sous-exploite son méchant, alors qu’il était allé chercher Sherlock himself. Le scénario est un peu déroutant, et fait penser à un épisode de transition en ceci qu’il met davantage en avant les interactions entre personnages (Kirk/Spock) plutôt que la pyrotechnie. Ça reste du divertissement haut de gamme, et une confirmation que J. J. est un choix logique pour continuer à traire la vache à lait Lucasienne…

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The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford (L’Assassinat de Jesse James par le Lâche Robert Ford) (2007) d’Andrew Dominik
[REPRISE]
Chef d’œuvre. Voilà, c’est dit. Merveilleux, somptueux, classieux, d’une beauté rare, divinement interprété, réalisé, photographié… Les fées qui se sont penchées au dessus du berceau de ce film ont dû s’endormir. Comme un épisode de Columbo, le titre dévoile tout de l’intrigue et de sa finalité et pourtant cela ne diminue en rien son côté fascinant. Bien au contraire, c’est même la fatalité qui rend ce film un peu plus sublime. Peu importe le mal que Jesse James s’est donné, le plus gros braquage depuis la création est que Casey Affleck n’ait pas reçu la récompense “suprême” pour son interprétation dudit lâche. Un personnage incroyablement riche dans sa dualité qui a l’honneur des toutes dernières lignes du narrateur : “There would be no eulogies for Bob, no photographs of his body would be sold in sundries stores, no people would crowd the streets in the rain to see his funeral cortege, no biographies would be written about him, no children named after him, no one would ever pay twenty-five cents to stand in the rooms he grew up in. The shotgun would ignite, and Ella Mae would scream, but Robert Ford would only lay on the floor and look at the ceiling, the light going out of his eyes before he could find the right words.” Un monument.

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Né quelque part (2012) de Mohamed Hamidi
Être né quelque part, pour celui qui est né, c’est toujours un hasard…” (Maxime Le Forestier, Né quelque part)
Le message du film est passé par le téléphone arabe (et ce n’est pas une vanne !) avant de parvenir jusqu’à moi. Au départ, le cœur qu’a mis son auteur sur cette parabole très personnelle de l’arbre sans racines. À l’arrivée, un film trop lisse, convenu et finalement trop simple. Dommage.

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Se7en
(Seven) (1995) de David Fincher
[REPRISE]
7 extra
Dans la filmo de David Fincher, Se7en est le frère jumeau énervé de Zodiac. Des frères jumeaux nés à 12 ans d’écart. 12 ans, c’est l’âge que j’avais quand Se7en est sorti chez nous. Juste l’âge requis pour le voir, mais je n’y avais pas été, et lorsque j’avais tenté de rattraper le film en vidéo, je me souviens m’être fait “bouffer” par l’ambiance glauque. Je l’ai redécouvert sur grand écran à un âge où, si je ne me cache plus derrière le siège, je continue à regarder sous mon lit. C’est un thriller incroyable dont le scénario brillant et retors est servi par une réalisation au scalpel. Précisément ce qui manque tant au cinéma d’aujourd’hui : de bonnes histoires et de l’allure…

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Girl most likely
(Imogene) (2012) de Shari Springer Berman & Robert Pulcini
Glee colle
Je suis une midinette : j’ai été assister à l’avant-première de ce film pour apercevoir Kristen Wiig. Seulement, j’ai été battu à plates coutures car il fallait lire “en présence de Kristen Wiig ET Darren Criss”. Apparemment, le type a connu la consécration en jouant dans Glee, et pour la première fois de ma vie, je me suis cru à un concert de Patrick Bruel circa 1991 en pleine salle obscure. Pour donner une idée de la faune locale, les gens applaudissaient à chaque gag alors que personne n’a réagi à une jolie vanne de Kristen Wiig sur le Commandant Cousteau. Le monde du silence… Pour en revenir au film, c’est un Garden State au féminin qui n’a pas le charme de son modèle et recycle les poncifs indés. Sauvé de justesse par le cast : Kristen Wiig, Annette Bening et Matt Dillon surtout !

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Man of Steel
(2013) de Zack Snyder
Manne hostile
Un calembour introductif pour déplorer ce qui est malheureusement inéluctable : ce reboot de Superman va engranger des recettes faramineuses. En soi, ça n’aurait rien de grave si ce n’était pas le mètre-étalon des studios pour juger de la réussite d’une production. Comprenez qu’on est (au moins) partis pour une trilogie… Et c’est la pire des nouvelles si le tir n’est pas rectifié, car il faut le dire d’emblée : ce Man of Steel est catastrophique, d’une nullité affligeante. Bryan Singer avait déjà fait très fort en 2006 avec son infâme Superman Returns, Snyder lui emboite le pas dans la médiocrité et réussit ce que je ne croyais pas possible : faire pire… Pourtant, tout commence plutôt bien si on exclue la séquence d’action introductive bourrine sur Krypton (la patte Nolan), la construction avec flashbacks est même plaisante. Puis le premier (mauvais) tournant arrive très tôt alors que Clark utilise ses pouvoirs sans être gêné devant une Lois qu’il ne connait même pas. On passera sur sa justification : “I can do things that other people can’t.” À partir de là, le concours de conneries est ouvert : la découverte du costume, l’hologramme de Russel Crowe, Michael Shannon qui se croit dans une opérette ou un ZAZ (point commun avec le Luthor de Kevin Spacey) à gueuler tout le temps et montrer les dents, Kevin Costner sacrifié alors qu’il est celui qui apporte un peu d’humanité, les répliques de Superman : “You think you can threaten my mother!”, et la liste est longue. Pas comme les idées du méchant, qui veut remplacer la Terre par sa Krypton détruite. Pour ce faire, il utilise une machine à gravité et on se dit qu’avec toute la glace dont Superman dispose dans sa Forteresse de Solitude, il pourrait bâtir une super machine à granité qui serait vachement plus utile avec la chaleur. Bref, les méchants sont énervés après les humains et Superman qui lui les aime les humains, alors ils se battent dans des scènes qui n’auraient rien à envier à Dragon Ball Z. Parallèlement, la fameuse machine à gravité détruit TOUT et le résultat fait furieusement penser à l’attaque des sentinelles dans l’inénarrable Matrix Revolutions. Sûrement parce que Larry “Morpheus” Fishburne figure au casting. La destruction s’étale sur la moitié des 2h23, filmée sans goût, sans personnalité, sans (Man of) style, aux antipodes d’un Michael Bay ou même d’un Zack Snyder sur Watchmen. C’est moche, c’est lourd, ça fait mal à la tête et l’on regrette que l’acteur principal – qui ne méritait pas ça – ne s’appelle pas Henry Advil…
Il ne faut pas désespérer des analphabètes. Avec un peu d’entraînement, on peut arriver à en faire des scénaristes…

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2 thoughts on “Cahiers de cinéma - Entrée #11…”

  1. Merci pour toutes ces critiques de films. J'en ai vu quelques uns dont le fameux "Cloud Atlas"...que j'ai adoré personnellement. Ton compte-rendu est très dur je trouve.
    J'ai trouvé ce film absolument magistral. Je ne me suis pas ennuyé une seconde, chaque histoire est reliée aux autres de façon très habile. J'ai pris un pied comme rarement à évoluer entre toutes ces époques, tous ces personnages. Les différents genres cinématographiques sont exploités (polar, comédie, science-fiction...) et font de ce film un "objet unique". J'ai été fasciné par la Néo Séoul notamment, que j'ai trouvée superbe. Quant au propos du film, je ne vois pas en quoi il est "scientologue". C'est peut-être un peu grandiloquent, mais je ne vois pas de discours religieux caché. Bref, perso j'ai été plus qu'emballé et j'aurais pu facilement le voir une deuxième fois au ciné ;-)

    Sinon, j'ai vu "Au bout du conte", que j'ai beaucoup aimé aussi. Et plus récemment "Frances Ha", film en noir et blanc au charme fou!

    Benoît G.

  2. Quand je parle de scientologie, c'est pour stigmatiser cette idéologie un peu trouble qui se dégage du film. Il me semble que dans l'ouvrage d'origine, il n'était jamais sous-entendu que ces histoires étaient liées. Là, le fait de tourner sur le même casting, bien que grimé, le laisse à penser. Puis, je sais pas, le discours qui est tenu, la spécificité de certains personnages... Au final, c'est un gros pensum assez prétentieux, mais ce n'est que mon avis !

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